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Rafles et Violences contre les Banyamulenge : Une Tragédie Ignorée

Paul KABUDOGO RUGABA

Depuis une semaine, une vague d'arrestations ciblant les Banyamulenge a été observée au Burundi. Hommes, femmes et jeunes ont été interpellés dans plusieurs quartiers, notamment à Nyabutege, Mutakura, Kamenge et Jabe, ( cfr les détails dans la lettre de Moïse Nyarugabo, reprise in extenso en annexe au bas de la page). Ces arrestations semblent faire suite à une campagne de messages hostiles circulant sur les réseaux sociaux, dépeignant les Banyamulenge comme des ennemis et incitant à la violence à leur encontre.

Pendant ce temps, en République démocratique du Congo (RDC), la situation est tout aussi alarmante. À Uvira, le major Patrick Makalamba Itonge, un officier de la Police Nationale Congolaise, a été assassiné par les Wazalendo, un groupe supplétif des Forces armées de la RDC (FARDC). Bien qu'il ne soit ni Tutsi ni originaire du Kivu, il a été pris pour cible en raison de son apparence physique, illustrant la montée de la haine ethnique et des exactions commises par des groupes armés soutenus par le gouvernement.

Les violences dans l'est de la RDC ont atteint des niveaux alarmants. Entre le 27 janvier et le 2 février 2025, 572 cas de viols ont été signalés, dont plus de 170 concernaient des enfants. Ces atrocités ont été perpétrées tant par les forces gouvernementales que par les Wazalendo, leurs supplétifs. Les rapports onusiens attribuent ces crimes aux prisonniers évadés de la prison centrale de Munzenze à Goma, mais cette explication semble éclipser les responsabilités des forces en place.

La veille de la prise de Bukavu, les FARDC et les Wazalendo ont encerclé et démoli les maisons des Banyamulenge vivant à Nyagezi. Un phénomène similaire a été observé à Minembwe, où plus de 25 habitations appartenant aux Banyamulenge ont été rasées. À Uvira, un jeune Munyamulenge a été froidement abattu pour la seule raison de son appartenance ethnique. À Goma, il y a deux ans, le capitaine Kabongo a été lynché et abandonné par ses camarades.

Dans un climat de traque et de persécution, le colonel Gasita, officier FARDC Munyamulenge, a réchappé de justesse à une embuscade tendue par les Wazalendo, pourtant alliés des FARDC. Cette attaque rappelle l'assassinat récent du colonel Rugabisha à Nyabibwe, dans le territoire de Kalehe, ainsi que celui du major Kamizobe, il y a quatre ans, victime d'un acte de cannibalisme en présence de ses compagnons d'armes à Lweba, dans le territoire de Fizi.

La DMIAP, service de renseignement militaire, est accusée de tortures et d'exécutions ciblées contre les Tutsi. Le nombre exact de victimes demeure inconnu, mais elles sont nombreuses. Parmi elles figure Thomas Ndizeye Mutagata, un capitaine de la police congolaise. Au Maniema, un commerçant du nom de Ntayoberwa et ses compagnons ont été lynchés et cannibalisés. À Kinshasa, les prisonniers Tutsi de la prison de Makala disparaissent progressivement sous les ordres du ministre de la Justice, M. Mutamaba.

Face à cette situation, la communauté internationale reste passive, refusant de condamner ces violations flagrantes des droits humains. Pendant ce temps, les Banyamulenge et d'autres groupes ciblés continuent de subir des persécutions systématiques, dans une indifférence glaçante.

Le 16 février 2025

Paul  Kabudogo Rugaba

 

 

Annexe

Monsieur le Président de la République du Burundi,
	Je vous adresse ce message comme seul moyen de vous atteindre d’urgence au sujet de la rafle organisée ce matin contre les Banyamulenge vivant dans votre pays. Certains d’entre eux ont été accueillis avec bienveillance comme réfugiés depuis des années, notamment en cette période de crise aiguë dans notre pays, tandis que d’autres résident légalement sur votre territoire sous différents statuts.
	Depuis quelques jours, de nombreux messages extrêmement hostiles aux Banyamulenge circulent sur les réseaux sociaux, les qualifiant d’ennemis et appelant à la vigilance ainsi qu’à des actions contre eux. Je joins à ce message quelques enregistrements audio particulièrement enflammés.
	Ce matin, des jeunes, des hommes et même des femmes ont été arrêtés par vos services. Puis-je vous demander, Monsieur le Président, de veiller à ce que ces services ne cèdent ni à l’amalgame ni à la confusion liés à la guerre en cours dans mon pays, et d’intervenir afin que ces personnes puissent recouvrer leur liberté ?
Voici la liste des personnes arrêtées par quartier :
A) Quartier Nyabutege :
1.    M. Évêque
2.    M. Trésor Rutebuka
3.    M. Ndayisaba Fatake
4.    M. Ndayambaje Claude
5.    M. Moïse Yombi
6.    M. Mukongo Steve
7.    M. Ndamiyingabo Boaz
B) Quartier Mutakura :
1.    M. Rugenza Paul
2.    Mme Mukankusi Eugénie
3.    Mme Nyamucyo Béatrice
4.    Mme Munganyinka Aline
C) Quartier Kamenge :
1.   M. Mutegetsi Janvier
2.   M. Muhire John
3.   Mme Uwingeneye Keza
D) Quartier Jabe :
1.   M. Mbonyi Héritier
E) Quartier Mutanga Nord :
1.  M. Boss Rugimbana
F) Quartier Kanyosha :
1.  M. Hungu Jonathan
2.  M. Mvuyekure Jaloude
3.  M. Nkomezi Jonathan
4.  M. Muhire John
G) Quartier Nyakabiga :
1.  M. Ngoga Blaise
2.  M. Patrick Sengambi
3.  M. Mbonera Fabrice
H) À ces arrestations s’ajoutent celles survenues à Gatumba, à la frontière, le 08/02/2025. Les personnes toujours détenues sont :
1.  Mme Sébagabo Nyantore Resa
2.  Mlle Élisée, sa fille
3.  Pasteur Kabibi
4.  M. François Rushambara
D’autres arrestations ont eu lieu ce matin même, bien que je ne dispose pas encore des noms de toutes les personnes concernées. Cette situation nous inquiète au plus haut point.
En raison de l’hostilité ambiante, même l’opération d’identification, qui devrait être une simple formalité, suscite en nous de vives préoccupations. Toutefois, je tiens à souligner que toutes ces personnes sont connues au sein de leur communauté et identifiées par la Mutualité des Banyamulenge au Burundi.
Je vous remercie pour votre diligence, Monsieur le Président.
Me Moïse Nyarugabo Muhizi

 

 
 
 

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