Qui sème le vent récolte la tempête : lorsque l'église catholique minimise l'épuration ethnique contre les Banyamulenge à Minembwe
L'actualité politique de notre pays est dominée ces dernières heures par le manque de consensus par les confessions religieuses à désigner le président de la CENI. Le candidat qualifié (selon une partie des confessions religieuses) est jugé proche du président Tshisekedi par les églises catholiques et protestantes. Ces dernières ont, à cet effet exprimé leur inquiétude quant à l'indépendance d'un tel candidat pour animer l’institution électorale qui se veut neutre et impartiale. Cette attitude a réveillé les vieux démons du tribalisme qui a caractérisé le paysage de la politique congolaise après l’accession du pays à l'indépendance. Seul le président Mobutu avait réussi à créer le sentiment d'appartenance à une nation, le Zaïre et à promouvoir le « vivre ensemble ». Le président Tshisekedi est quant à lui accusé de tribaliser la gestion du pays après avoir nommé « ses frères tribaux », (baluba) à un nombre important de postes stratégiques.
On se souviendra que lors de sa visite à Beni en décembre 2019, Mgr Ambongo, la voix officielle de l'Eglise catholique en RDC puisque Cardinal, s’est illustré en fort soutien contre « le complot de la Balkanisation du pays ». Une rhétorique chère à Martin Fayulu dans son aventure visant à acquérir le pouvoir qu’il n’a pas réussi à conquérir à travers les urnes. Ceux qui sont visés dans les propos du Cardinal Ambongo ne sont autres que des congolais rwandophones (Banyabwisha) qui migraient de Masisi et Rutshuru à Ituri via Beni. Le Cardinal Ambongo a ainsi profité de son voyage apostolique à Beni pour donner sa version des faits et parlé plutôt du Rwanda qui envoie une partie de sa population occuper certains espaces du Congo. Sa parole a sonné comme un mot d’ordre pour empêcher aux populations d'expression Kinyarwanda de se mouvoir librement sur l'espace national. Elevée depuis quelques années à l’école de la haine tribale et de stigmatisation ethnique, la population du grand Nord (Nord-Kivu) à laquelle le Cardinal Ambongo s’adressait a vite compris le message et n’a pas tardé à y donner suite.
Ce décor planté, l'église catholique va encore briller par son silence face à l'épuration ethnique des Banyamulenge en cours depuis 2017 dans les Hauts Plateaux de Fizi, Mwenga et Uvira, au Sud-Kivu. Là aussi et toujours parce qu’il s’agit des Rwandophones. La seule fois où l’on a entendu l'église catholique s'exprimer sur le sujet concernait la farouche et hostile réaction de Mgr Muyengo, l'évêque d'Uvira contre l’installation du Bourgmestre de la commune rurale de Minembwe en septembre 2020. A cette occasion, Mgr Muyengo a signé, par un tampon tribaliste, une lettre condamnant l’érection de Minembwe en une commune qui, selon lui favoriserait les "immigrés d’origine rwandaise" au détriment des populations qu’il qualifie de « siennes » et pour lesquelles il accorde le statut d’autochtones. Depuis, l'église catholique considère que le feu qui continue de décimer les villages de Banyamulenge sur fond d’attaques de la triple coalition MAI-MAI, Red-Tabara et FARDC est un feu pentecôtiste venant du ciel.
L'église catholique n'a pas su jouer son rôle d'arbitre neutre d'une grande famille faite de plusieurs enfants. Elle n'a pas recadré Martin Fayulu, Justin Bitakwira, Muhindo Nzangi, Eva Bazaiba et bien d'autres extrémistes qui utilisent l'escalier ethnique pour accéder aux postes politiques en RDC. La fracture est grande aujourd'hui. Il est peut-être trop tard pour corriger le tir.
En excluant une partie de sa population, l'église catholique ne rendait pas compte qu'elle cultive une semence dont le fruit est l’idéologie tribaliste qu’elle récolte aujourd’hui. Un proverbe Banyamulenge dit que « quand on tape une falque d’eau avec un bâton, on se mouille la figure ». Et les français d’ajouter : Qui sème le vent récolte la tempête.
Fait à Uvira le 04 août 2021
Mukulu Le Patriote et Mwalimu Gérard
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