Négationnisme et Implication Militaire : L'Attitude Ambiguë du Président Burundais envers les Banyamulenge
- Paul KABUDOGO RUGABA
- 22 mars
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 mars
Que veut finalement le président du Burundi, Évariste Ndayishimiye ?

Récemment, lors d'un discours prononcé en pleine église, le président du Burundi, Évariste Ndayishimiye, a tenu des propos qui ont surpris plus d'un observateur. Plutôt que de délivrer un message spirituel, il a adopté un ton propagandiste niant l'existence des Tutsis en République démocratique du Congo (RDC).
Le président burundais Évariste Ndayishimiye affirme que les Banyamulenge existent en République démocratique du Congo (RDC), mais nie leur appartenance à l’ethnie tutsie. Selon lui, la présence des Tutsis en RDC serait une construction artificielle façonnée par le Rwanda, insistant sur le fait que les Tutsis n’existent qu’au Rwanda et au Burundi. Cette position, qui ignore délibérément la réalité historique et sociologique des Banyamulenge, relève d’une tentative manifeste de réécriture de l’histoire.
Les Banyamulenge sont une communauté bien distincte, exclusivement tutsie, contrairement aux Burundais et aux Rwandais, qui regroupent plusieurs ethnies. Cette spécificité semble être occultée par le président burundais, dont les déclarations s’inscrivent dans une dynamique de négationnisme préoccupante. Il ne s’agit pas d’une simple prise de position, mais d’un discours récurrent visant à effacer l’existence même des Banyamulenge en tant que peuple distinct.
Ce n’est pas la première fois qu’Évariste Ndayishimiye adopte un discours visant à délégitimer les Banyamulenge. Ses motivations exactes restent floues, mais elles s’inscrivent dans une logique de marginalisation systématique et de diabolisation d’une communauté. Son acharnement semble dicté par une idéologie profondément enracinée, héritée de la période coloniale, où les colons belges ont semé les germes d’une hostilité ethnique persistante. Cette idéologie, transmise de génération en génération à travers l’éducation et la propagande, s’est aujourd’hui propagée bien au-delà de la région des Grands Lacs, gagnant du terrain même en Occident sous l’influence de certains États alliés de la Belgique et de la France.
Au-delà du discours, les actions du président burundais soulèvent de graves préoccupations. En collaboration avec le président congolais Félix-Antoine Tshisekedi, il a déployé d’importantes forces militaires dans la région des Hauts-Plateaux d’Itombwe, territoire historiquement habité par les Banyamulenge. Contrairement aux engagements régionaux pris dans le cadre de la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC), ces troupes burundaises opèrent en marge des structures officielles. Elles apportent un soutien direct aux Forces armées de la RDC (FARDC) dans des opérations ciblant la communauté banyamulenge, perpétuant ainsi des violences systématiques.
Dans les localités de Rurambo, Kahololo, Masango Katanga, Magunda et Bijombo, l'armée burundaise impose un embargo total visant exclusivement les Banyamulenge. Les populations voisines ont reçu l’ordre strict de ne plus leur acheminer de marchandises, notamment des denrées alimentaires, créant une situation de siège qui aggrave la crise humanitaire déjà alarmante dans cette région.
Une Paix Sélective
La gestion des conflits dans l’Est de la RDC met en lumière une approche contradictoire de la communauté internationale et des acteurs régionaux. Alors que des pressions diplomatiques imposent un cessez-le-feu immédiat dès que le M23 progresse, la coalition FARDC-FAB-FDLR-Wazalendo bénéficie d’une impunité totale dans ses attaques contre les Banyamulenge. Cette disparité interroge sur la réelle volonté des instances internationales à garantir une paix inclusive et équitable pour toutes les communautés vivant dans la région.
Il est impératif que les violations des droits humains à l’encontre des Banyamulenge soient documentées avec rigueur et fassent l’objet d’une condamnation ferme. La paix et la sécurité ne peuvent être un privilège réservé à certaines populations au détriment d’autres, au risque de perpétuer un cycle de violences et d’injustices aux conséquences désastreuses.
C’est Depuis trois ans, ces forces burundaises stationnent en RDC sans qu'une mission claire n'ait été publiquement définie. Récemment, elles ont intensifié leurs attaques contre les villages banyamulenge, en particulier dans la région de Mikenke, où les assauts se poursuivent à ce jour. Officiellement, le Burundi justifie son engagement militaire en RDC par des raisons de sécurité nationale. Cependant, il est étonnant de constater que, malgré leur présence, les troupes burundaises n'ont pas affronté la rébellion RED-Tabara, pourtant active sur le sol congolais. Leur cible principale semble être les Banyamulenge, une population congolaise.
En dehors du Sud-Kivu, les troupes burundaises ont également été déployées au Nord-Kivu, où elles ont subi des revers militaires. Depuis lors, elles se sont repositionnées autour des villages banyamulenge
Dans un contexte de tensions croissantes, certaines sources affirment que le Burundi aurait reçu des armes sophistiquées de la Belgique. Lors du même discours religieux, Évariste Ndayishimiye a tenu des propos déconcertants, se vantant de la puissance de son armée en ces termes : « Ceux qui pensent avoir de bonnes armées savent-ils à quel point la mienne est puissante ? »
Cette rhétorique belliqueuse soulève plusieurs questions. Quelles sont les véritables intentions du président burundais en RDC ? Pourquoi semble-t-il particulièrement ciblé sur les Banyamulenge ?
Parallèlement à cette situation sur le terrain, les Banyamulenge réfugiés au Burundi subissent des perquisitions répétées et des arrestations arbitraires. Malgré ces violations des droits humains, la communauté internationale reste largement silencieuse face à ce drame.
Alors que la situation continue de dégénérer, la question demeure : jusqu'à quand ce silence complice perdurera-t-il ?
Le 22 mars 25
Paul Kabudogo Rugaba
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