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Paul KABUDOGO RUGABA

Mot de réflexion aux compatriotes


La différence, tout comme la ressemblance, sont des concepts ambivalents, comparables à des couteaux à double tranchant. Leur influence peut être bénéfique ou néfaste, selon l'usage qu'on en fait ou la direction qu'on leur donne. Lorsque la différence est perçue comme une richesse, elle devient une force motrice. Elle favorise l'innovation, permet la diversité et l'enrichissement mutuel. Comme le dit si bien un proverbe, « diverses couleurs font la beauté d’un jardin ». La pluralité des perspectives, des cultures et des idées nourrit le progrès et la créativité.

Toutefois, si cette même différence est utilisée pour exclure, marginaliser ou discriminer, elle devient alors une arme dangereuse. L’histoire nous enseigne combien les divisions basées sur la différence peuvent engendrer des conflits, de la haine et de la violence. La différence, mal exploitée, peut séparer et diviser les individus, les enfermant dans des préjugés et des stéréotypes.

De même, la ressemblance possède cette double nature. Lorsqu'elle est utilisée pour unir, elle devient une source de cohésion et de solidarité. « Ce qui se ressemble s'assemble », dit un autre proverbe. La ressemblance peut renforcer les liens, créer des communautés solidaires et donner naissance à une force collective capable de grandes réalisations.

Néanmoins, si cette ressemblance devient un prétexte pour s'isoler des autres ou les exclure, elle peut également créer des tensions. Lorsqu'on rejette ceux qui sont différents au nom de la ressemblance, on tombe dans l'exclusion et la discorde. L’uniformité imposée ou recherchée au détriment de la diversité peut étouffer l’individualité et nourrir les conflits.

En somme, différence et ressemblance ne sont ni bonnes ni mauvaises en elles-mêmes. Tout dépend de l’usage que l’on en fait, de l’intention qui les guide. Elles peuvent être des instruments de progrès et de solidarité, ou des vecteurs de division et de rejet. L'essentiel est de les orienter vers la compréhension mutuelle, le respect et l'inclusion.

Il ne faut pas tout politiser, notamment les relations sociales et les faits historiques. C’est une erreur monumentale et une confusion de domaine. La politique, par sa nature, est souple, fluctuante, et souvent opportuniste, évoluant en fonction de stratégies et d'intérêts immédiats. Elle peut mentir, changer d’avis, ou basculer d’un camp à un autre sans scrupule. C’est cette flexibilité qui lui permet de manœuvrer pour sauver la face, redorer une image ou éviter des catastrophes, parfois à n’importe quel prix.

Cependant, cette volatilité ne peut et ne doit pas s'appliquer à d’autres sphères, comme l’histoire ou les relations sociales. Les faits historiques sont immuables : ce qui s'est passé est gravé dans le temps et ne peut être modifié ou réinterprété selon les caprices du moment. Quant aux relations sociales, elles obéissent à des dynamiques complexes, fondées sur des valeurs, des traditions, et des interactions humaines profondément ancrées. Ces liens ne peuvent être dictés par les intérêts immédiats ou les jeux de pouvoir politiques.

Malheureusement, la politique, en raison de son pouvoir, cherche souvent à imposer ses vues sur ces domaines, ce qui est profondément injuste. Il est essentiel de préserver l’intégrité des faits historiques et la sincérité des relations sociales face aux manipulations politiques. Ces deux domaines répondent à une autre logique, plus stable et plus sincère, qui ne devrait jamais être confondue avec les manœuvres éphémères du jeu politique.

La politisation excessive devient encore plus dangereuse lorsque tout le monde se transforme en politicien. C’est exactement ce que l’on observe en République Démocratique du Congo (RDC), où des discours de haine sont prêchés dans les églises, où des civils se laissent convaincre de tuer leurs voisins, leurs compatriotes, sous l’influence d'une propagande dévastatrice. Cette dérive atteint des sommets lorsqu’on voit des actes d’anthropophagie se multiplier, sans que les autorités morales ou religieuses ne s’y opposent.

Le mensonge, la calomnie, la corruption, les viols et les violences sont devenus des phénomènes si courants qu’ils sont perçus comme normaux. Les valeurs fondamentales se sont effrités, et tout le monde semble avoir perdu la boussole morale, incapable de discerner le bien du mal. Dans ce contexte de chaos, où la conscience collective s’érode sous le poids de la manipulation et de l’immoralité, la ruine s’installe lentement mais sûrement.

Le pays glisse inexorablement vers sa propre perdition. Cette confusion généralisée, où chacun prétend faire de la politique au lieu de chercher le bien commun, détruit les fondements mêmes de la société. Lorsque l’autorité morale et les repères éthiques disparaissent, la nation se trouve sur une pente dangereuse, risquant de sombrer dans un abîme d’où il sera difficile de revenir.

L’exemple de la région des Grands Lacs devrait être une leçon pour nous tous. Le Rwanda, le Burundi et la République Démocratique du Congo, au lieu de valoriser leurs diversités culturelles et ethniques comme une richesse, ont tour à tour mis l’accent sur les différences pour diviser, exclure et marginaliser. Ce choix tragique n’a conduit qu’à des larmes, des conflits sanglants et des massacres.

Plutôt que de bâtir des ponts entre les communautés et de tirer parti de la complémentarité des cultures, l’histoire de cette région a été marquée par des politiques d’exclusion qui ont laissé derrière elles des traumatismes profonds et des cicatrices difficiles à guérir. Le Rwanda a vécu le génocide des Tutsi en 1994, le Burundi a été déchiré par des conflits ethniques récurrents, et la RDC continue de sombrer dans des violences sans fin alimentées par les divisions ethniques et les ambitions politiques.

À quel moment dira-t-on enfin "stop" ? N’est-il pas temps de reconnaître que cette voie de l’exclusion mène invariablement à la destruction ? Ces pays partagent une histoire commune, des racines profondément entrelacées, et un destin collectif qui ne peut s’accomplir que dans l’unité et la coopération.

Il est grand temps de dire non à la haine, non à la division, non à l’exclusion. Les différences culturelles, linguistiques ou ethniques ne doivent plus être utilisées comme prétexte pour justifier la violence ou la domination d’un groupe sur un autre. Au contraire, elles devraient être la source d’un enrichissement mutuel, d’une compréhension plus profonde et d’une coexistence pacifique. Tant que la leçon des Grands Lacs ne sera pas pleinement apprise, la région restera prisonnière d’un cycle de souffrances. Il est plus que temps de tracer un nouveau chemin, fondé sur la tolérance, le respect mutuel et l’inclusion.

 

le 20 sept.2024

Paul Kabudogo Rugaba

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