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Paul KABUDOGO RUGABA

MONUSCO : Trente Ans de Présence en RDC et Un Bilan Lamentable

Après trois décennies d'opérations en République démocratique du Congo (RDC), la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) s'apprête à quitter le pays, laissant derrière elle un paysage chaotique et désolé. Initialement déployée pour proteger les civils et aider à reconstruire l'armée congolaise, la MONUSCO a échoué à organiser efficacement les forces armées, laissant le pays sous l'emprise de nombreux groupes armés violents.


Un mandat détourné et des espoirs déçus

Créée avec pour mission de soutenir les efforts de paix et de renforcer la capacité de l'armée nationale, la MONUSCO semble avoir détourné son mandat. Les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) demeurent désorganisées, infestées par des éléments indisciplinés et elle est toujours corrompus. Cette situation a rendu le pays vulnérable, transformant la RDC en un terrain fertile pour la prolifération des groupes armés.

Autrefois connus sous le nom de Mayi-Mayi, ils sont désormais incorporés au sein des FARDC avec lesquelles ils font partie d'un même grand groupe, très disparate et incohérent désignés sous le nom de Wazalendo. Ce terme englobe aussi une multitude de factions étrangères, dont les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et ses branches, l'Allied Democratic Forces (ADF Nalu), ainsi que plusieurs factions burundaises. Ces entités, composées en grande partie de voyous sans scrupules ni conscience, sèment la terreur et la destruction, échappant à tout contrôle.

Les espoirs initiaux placés dans la MONUSCO étaient élevés. La mission onusienne devait apporter la paix et la stabilité, tout en renforçant les capacités des FARDC pour assurer une sécurité durable. Cependant, le bilan de ces trente dernières années est désolant. Les FARDC restent une force dysfonctionnelle, marquée par des divisions internes, des allégeances fluctuantes et une discipline défaillante. Cette désorganisation interne a permis aux groupes armés de prospérer, aggravant l'insécurité et les souffrances de la population.

Les Wazalendo, qui regroupent une diversité de factions armées, exploitent les faiblesses de l'État et des forces armées pour renforcer leur emprise sur des vastes régions du pays. Leur violence indiscriminée et leur mépris des droits humains exacerbent les crises humanitaires déjà présentes. Ces groupes opèrent souvent en toute impunité, tirant profit du chaos pour piller, violer et tuer, sans crainte de représailles.

La MONUSCO, censée être une force stabilisatrice, semble avoir échoué à contenir cette spirale de violence. Plutôt que de renforcer les FARDC et de promouvoir une paix durable, la mission onusienne est souvent accusée de complicité passive, voire active, avec les autorités corrompues. Les ressources massives allouées à cette mission n'ont pas réussi à traduire les intentions en actions concrètes, laissant la RDC plongée dans un cycle incessant de conflits.

Pour les Congolais, en générale et en particulier les communautés marginalisées, cette situation est un cauchemar sans fin. Les espoirs de paix et de reconstruction sont constamment anéantis par la présence et les exactions des groupes armés. La communauté internationale devrait tirer des leçons de cet échec, réévaluer ses stratégies et ses engagements pour instaurer une paix véritable.

Il est crucial de repenser l'approche de la MONUSCO et des autres missions similaires. Plutôt que de se contenter de maintenir une présence, il aurait fallu une action résolue pour désarmer les groupes armés, reformer les forces armées nationales et instaurer un État de droit. La RDC mérite une paix durable, et cela ne pourra se faire qu'avec une volonté politique forte, une coopération internationale sincère et un engagement authentique en faveur de la justice et des droits humains.


Un soutien controversé aux FARDC en RDC

La MONUSCO a constamment soutenu les scandales des FARDC  dans  ce qu’ils prétendent être une collaborations dans leurs efforts pour maintenir la paix et la sécurité. Cependant, ce soutien soulève de sérieuses questions. Plutôt que d'organiser et de structurer efficacement les FARDC, la MONUSCO a laissé ces forces être infiltrées par des éléments négatifs, sans s'y opposer. Ironiquement, bon nombre des groupes terroristes aujourd'hui actifs au sein des FARDC, étaient initialement mis sur liste noire par les experts de l'ONU. Maintenant, ils collaborent désormais avec les forces onusiennes. Cette contradiction soulève des questions sur la véritable nature de l'intervention internationale en RDC.

Pourquoi les Nations Unies soutiennent-elles des forces qu'elles ont elles-mêmes qualifiées de négatives, des terroristes? Cette question est au cœur de la controverse entourant la MONUSCO. Le mandat de la mission onusienne toujours au point mort était clair : soutenir les efforts de paix, protéger les civils et renforcer les capacités des forces armées nationales. Cependant, les réalités sur le terrain montrent une autre histoire. Les FARDC, loin d'être une force homogène et disciplinée, sont un amalgame des individus et des groupes aux intentions nocives, initialement catalogués comme des entités terroristes par l'ONU. La MONUSCO et les FARDC   se retrouvent paradoxalement en coopération avec les forces qu'ils devaient combattre. Cette situation est le résultat d'une série de compromis et d'alliances tactiques incompréhensibles dans un contexte de guerre asymétrique qui remettent en question la crédibilité et l'efficacité de la MONUSCO.

La contradiction flagrante entre les déclarations des Nations Unies et leurs actions sur le terrain alimente le scepticisme et la méfiance. On voit dans cette alliance une forme de duplicité, où les objectifs déclarés de paix et de stabilité sont minés par des pratiques contradictoires. Cette perception est aggravée par le fait que les éléments négatifs au sein des FARDC continuent de commettre des exactions et des violations des droits humains, toujours sous le regard indifférent ou impuissant de la MONUSCO.

Dans le soutien de la MONUSCO aux FARDC, on y voit, une abdication de responsabilité, un choix de la facilité au détriment des principes et des normes internationales. Cette situation donne toujours au FRDC l’avantage et l’opportunité de trouver des angles morts pour commettre les abus et des scandales humanitaires que l'on ne peut pas imaginer: "le démocide et l’anthropophagie ». Étant donné que l’ONU est la seule institution habilitée à qualifier les horreurs d’un génocide, et que la MONUSCO son armée est impliquée, on se trouve dans une situation où il est juge et partie. De ce fait ne donnera jamais le vrai nom aux atrocités contre la minorité discriminée.  

Cette situation complexe nécessite une réévaluation profonde de la mission onusienne en RDC. Il est impératif que les Nations Unies adoptent une approche plus rigoureuse et transparente, en veillant à ce que leur soutien ne se transforme pas en cautionnement tacite des violations des droits humains. La MONUSCO aurait dû s'engager à purger les FARDC de leurs éléments négatifs, à promouvoir des réformes structurelles et à renforcer les mécanismes de contrôle et de responsabilité.

  La MONUSCO se trouve à la croisée des chemins. Pour regagner la confiance de la population congolaise et de la communauté internationale, elle aurait dû démontrer un engagement réel envers ses principes fondateurs. Cela implique de cesser tout soutien aux groupes qu'elle a elle-même désignés comme terroristes et les regimes qui les soutiennent.


Les Communautés Marginalisées Abandonnées

Les conséquences de la situation actuelle en RDC sont particulièrement acrimonieuses pour les communautés marginalisées, telles que le Hema de l’Ituri, les Tutsi Banyamulenge et les Tutsi du Nord-Kivu. Ces communautés vivent sous la menace constante d'extermination, et la MONUSCO, censée les protéger, a souvent fermé les yeux sur les violences dont elles sont victimes. Pire encore, la mission onusienne a toujours  soutenu les FRDC qui sont des forces de représailles contre elles, contribuant ainsi à leur oppression plutôt qu'à leur protection.

Les Tutsi Banyamulenge, en particulier, sont confrontés à une hostilité profonde et persistante. Victimes de violences ethniques et de discriminations systématiques, leur situation s'est aggravée avec l'inaction et les actions parfois contre-productives de la MONUSCO. Un exemple flagrant est les transferts arbitraires des civils innocents de Minembwe à Bukavu par les hélicoptères onusiens, pour y être incarcérés. D’autres ont été arrêté sur base des rapports calomnieux de ses experts.  Ces actions, loin d'améliorer leur sort, ont aggravé leur précarité en les plaçant de force dans des conditions de grande vulnérabilité.

Les habitants du Nord-Kivu, eux aussi, subissent des violences incessantes de la part des groupes armés et parfois des forces de sécurité censées les protéger. Les combats entre les FARDC et les Rebels du Alliance Fleuve Congo (AFC) /(Mouvement du 23 mars (M23) ont souvent pour conséquence directe des déplacements massifs de population, des pertes en vies humaines et des violations graves des droits humains. Dans ce contexte, la MONUSCO est critiquée pour son incapacité à protéger les civils et pour son rôle ambigu dans certains conflits.

Jour après jour, les conditions de vie de ces populations se détériorent. Les déplacés internes, en particulier, sont souvent laissés sans protection adéquate, sans accès aux soins de santé, à l'éducation ou même à l'eau potable. La MONUSCO, malgré ses ressources et son mandat, n'a pas réussi à apporter de solutions tangibles à ces crises humanitaires récurrentes. Les camps de déplacés deviennent des lieux de souffrance et de désespoir, exacerbés par l'inefficacité de l'intervention onusienne.

La passivité de la MONUSCO face aux violences et son soutien occasionnel à des forces répressives soulèvent des questions graves sur la nature de son intervention en RDC. Cette situation crée un sentiment de trahison parmi les communautés marginalisées qui espéraient trouver en la mission onusienne un allié dans leur quête de paix et de justice. Au lieu de cela, elles se retrouvent souvent abandonnées ou, pire, confrontées à une complicité tacite dans leur oppression.

La mission onusienne aurait dû se concentrer sur la protection des civils, la promotion des droits humains et l'instauration d'une paix durable. Seule une telle approche aurait permis de répondre aux besoins des populations vulnérables et de contribuer réellement à la stabilisation de la RDC.


Un Héritage de Chaos

Après trente ans de présence en RDC, la MONUSCO s'apprête à plier bagage. La question se pose : que laissera-t-elle à la communauté internationale? Cette mission, censée apporter paix et stabilité, laisse derrière elle un bilan indigne. Les groupes armés continuent de proliférer, les forces armées restent dysfonctionnelles, et les communautés marginalisées continuent de souffrir. La mission onusienne a échoué à apporter la paix et la stabilité, laissant derrière elle un pays en proie au chaos

Les espoirs placés dans cette mission onusienne ont été largement déçus. Les experts de l'ONU ont mené des inspections et des tournées dans tout le pays, recevant des témoignages accablants de violations graves des droits humains. Malheureusement, les rapports produits semblent souvent être dictés par les gouvernements en place, qui cherchent à minimiser leurs propres responsabilités et à incriminer les groupes armés sans distinction. La population congolaise, qui espérait trouver en la MONUSCO un allié, a souvent eu le sentiment que l'organisation prenait le parti des autorités, quelles que soient leurs exactions.

L'expérience de la MONUSCO en RDC rappelle tristement celle de la Mission des Nations Unies pour l'Assistance au Rwanda (MINUAR), qui n'a pas su prévenir le génocide de 1994. Ces deux missions devraient servir de leçons à tous les pays africains : il est illusoire de croire que la communauté internationale viendra toujours résoudre les problèmes internes. Si un citoyen réclame ses droits, la solution la plus simple et la plus juste est de l'écouter et de répondre à ses doléances, comme l’a déclaré récemment le président kenyan William Ruto, avant de conclure que  le dialogue devrait toujours primer sur la guerre.

Le budget alloué à la MONUSCO durant ses trois décennies de présence reste flou, mais il est certain qu'il s'agit de milliards de dollars. Malgré cela, le nombre de victimes parmi les personnels de l'ONU se compte en dizaines, alors que des millions de Congolais ont péri dans l'indifférence générale. Où est donc le sacrifice ?

En ce qui concerne le nombre de victimes civiles, on ne le sait pas,  et probablement on ne le saura jamais. La RDC, qui peine à établir des statistiques fiables sur sa propre population, publie les chiffres fictions contradictoires au gré de l’imaginaire. Certes, le gouvernement cherche souvent à détourner la responsabilité de ses propres échecs en imputant les morts à l’autodéfonce des communautés marginalisées ou à d'autres acteurs extérieurs. Cette manipulation des chiffres vise à attirer la compassion internationale tout en dissimulant les propres crimes du régime.

La justice finira par triompher et le peuple congolais espère voir un jour son pays se relever de ces décennies de chaos et de souffrances. La RDC devra faire face à ses propres démons et assumer ses responsabilités. Il est crucial pour le futur de ce pays que les leçons du passé soient retenues, afin que la paix et la stabilité puissent enfin s'installer durablement


le 21 juin 2024

Paul Kabudogo Rugaba

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