Monsieur le Secrétaire Général de l'Organisation des Nation Unies (ONU), NEW YORK,
Permettez-nous de vous présenter une situation des violations graves des droits de la personne qui se passe dans un silence complet. Il ne s’agit pas d’une fiction ni d'une dramatisation des faits mais bien d'une réalité bien plus grave que ce que nous relatons dans ces lignes.
En république Démocratique du Congo (RDC), plus précisément dans les Hauts et Moyens Plateaux de Fizi, Mwenga et Uvira, au Sud-Kivu, il y a un génocide à huis clos qui se passe parfaitement dans l’anonymat, sous l’arbitrage partial du gouvernement de Kinshasa qui, d’ailleurs, prend part aux exactions. Dans ce drame, 450 tribus se sont coalisées contre une, les Banyamulenge, pour des raisons purement racistes et veulent de ce fait, à défaut de l’effacer de la carte du monde, l’expulser en dehors du pays de manière qu’il n’y reste même pas une personne.
Pour ce faire, les commanditaires, dont certainement des politiciens, créent des raisons qui, faute de tenir longtemps, se métamorphosent du jour au lendemain, afin de trouver continuellement des motifs pour justifier des nouvelles attaques dans le but d’anéantir complètement la communauté victime. Certains vont qualifier ce conflit d'identitaire, d’autres de fonciers, d’autres de nationalité ; des questions qui sont du ressort du gouvernement, mais qu’il laisse hypocritement à l’arbitrage des communautés. Cette attitude du gouvernement congolais, ressemble étrangement à celle d’un parent insensé qui inciterait une partie de ses propres enfants à la haine contre l’un de leur tout en sachant les conséquences néfastes qui en découlent. Ainsi, il a sa conscience tranquille pour nier toute responsabilité.
Le gouvernement de la République démocratique du Congo, par le biais de ses forces armées, les FARDC, arme une multitude des milices communément appelés Maï-maï issue de la coalition de toutes les tribus, hormis les Banyamulenge, qui sont la cible à détruire. Ainsi, les FARDC fournissent les moyens logistiques aux assaillants, assistent techniquement en donnant les plans d’attaques, surtout que c’est elle qui est mieux placée pour faire la reconnaissance du terrain, vu leur liberté de de mouvement et circulation partout. Par ailleurs, l'accès difficile d’un milieu enclavé, sans route, complique la tâche aux organisations indépendantes qui pourraient renseigner sur les agissements de l'armée aux côtés des Maï-maï dans ce conflit. où elle reçoit, en contrepartie, une part du butin.
Les Banyamulenge sont depuis cinq ans dans un état de siège, du moins dans des ‘’ghettos’’, même si cela n’est pas officiellement proclamé. Ils sont l’objet d’attaques récurrentes, sont massacrés et même leur chair est par moment mangée (cannibalisme) par les bourreaux. Le cas le plus récent est celui du major joseph Kaminzobe qui a été lynché, brûlé vif puis mangé par ses bureaux le 9 décembre 2021 à Lweba, un centre situé à proximité de la ville de Baraka, en présence de ses camarades militaires, sans la moindre réaction de leur part. Les biens des Banyamulenge sont régulièrement pillés, leurs maisons incendiées, le batail razzié, leurs champs détruits. Ils vivent actuellement sous un embargo total de tout ce qui peut les aider à survivre. Quand ils résistent on les accuse de faire la guerre. On les empêche de revenir dans leurs villages quand ils tentent d’y regagner et de se reconstruire.
C’est depuis l’indépendance du pays que les Banyamulenge font face à une discrimination qui ne trouve pas de solution. Leur vie tourne en rond depuis. Le gouvernement, la seule instance compétente, continue à tergiverser en jouant des simulacres. Tant qu'il continue à faire semblant d’être concerné, ce problème ne sera jamais résolu et cela ne fait qu’hypothéquer l'avenir de cette communauté meurtrie.
Certainement que vous êtes informé de la situation, car quelques paragraphes en termes vagues perdus dans certains rapports de l'ONU font état de cette situation mais, malheureusement, ne couvrent pas exhaustivement les événements, ne reflètent pas la réalité sur terrain et n’établissent pas la responsabilité de vrais auteurs qu’ils préfèrent garder dans l'anonymat. Ils se contentent simplement de dire de manière évasive qu’il y a de l'insécurité ou qu'il y a des conflits et lancent un appel au calme, à la paix, dans un ton mollement faible pour une situation catastrophique qui demande une intervention urgente et énergique de la communauté internationale. Même la déclaration de Mme Bintou Keita cheffe de la MONUSCO n’a pas apparemment été entendue devant le conseil de sécurité (Statement of SRSG Keita before the Securiy Council, O5 october 2021). Cette façon de présenter les choses protège le gouvernement et son armée, Les FARDC qui en réalité sont les premiers responsables du sort infligé aux Banyamulenge. Cela donne avantage aux Maï-maï dans la mission qu’ils se sont fixée de commettre des crimes à grande échelle contre une communauté déjà fragilisée par des attaques incessantes à un rythme accéléré.
La présente lettre est un cri de détresse. Ceux qui y verront des imperfections littéraires, ou un défaut de formalité, qu’ils veuillent nous en excuser, car notre souci est avant tout humanitaire. C’est un appel pathétique qui demande une intervention urgente. De tels appels sont encore banalisés par les détracteurs de Banyamulenge, les accusant de de se victimiser pour attirer des sympathies de la communauté internationale. Ils leur dénient le droit de dire qu'ils sont des victimes.
Ce qui se passe sur les Haut-Plateaux et ses environs n’est pas un conflit intercommunautaire comme le propagent les planificateurs du génocide et leurs adeptes. C'est un génocide au vrai sens du terme, conçu par des politiciens congolais, exécuté par d'innombrables milices des communautés voisines aux Banyamulenge, généralement sous l'appellation de Maï-maï( Mayi Mayi), appuyées par l'armée, les FARDC et en alliance avec les groupes armés étrangers venus à l’aide de services de sécurité congolaise, avec la bénédiction de l’administration locale au niveau de toute sa hiérarchie, du sommet (pouvoir cental) à la base (territoire), avec la complicité de la société civile et les organisations d’aide humanitaires qui optent pour l’indifférence, des églises ont choisi le silence et parfois font des declarations surprenantes, et ce, sous la barbe des forces onusiennes, la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo, la (MONUSCO) qui a choisi d'appuiyer l'armée qui oppresse.
Les conséquences de cette situation sont graves, elle constitue une crise humanitaire d’envergure, mais moins connue du public, tant au niveau national qu’international, d’autant plus qu’elle concerne une minorité, pour ne pas heurter ou épater la conscience internationale. C’est une crise qui est au-delà de ce que l'on peut imaginer de par sa violence et sa tragédie dans une région froide à plus de 2500m d’altitude, un climat rude où les températures nocturnes avoisinent parfois -10°C en saison sèche. A cela, il faut ajouter le fait qu’elle se vit dans milieu enclavé, loin des caméras et de la presse. L’absence de route et de pistes explique l’isolement.
Dans ce contexte, nous formulons nos demandes pour que, urgemment, des mesures qui s’imposent soient prises afin de stopper ces tueries. Ainsi :
Nous demandons de faire pression au Président de la RDC, Félix Tshisekedi afin qu’il fasse arrêter le massacre des Banyamulenge, une population congolaise autochtone dont le seul tort est d’être Tutsi;
A la Communauté Internationale, nous demandons de sauver ce qui peut encore l’être afin d’éviter le pire.
1. Nous demandons que les organismes des droits humains, surtout internationaux, se rendent sur place afin de constater, de visu cette épuration ethnique en cours, au lieu de se contenter des rapports ramassés par- ci par-là ou fournis par une administration biaisée et partisane, avec un penchant pour les apôtres de la haine anti-tutsi. Rien ne vaut un constat in situ, des événements en cours ;
2. Nous demandons que soit banni le racisme comme mode de gouvernance en RDC
3. Nous demandons que soient arrêtées des mesures particulières de protéger la minorité des tutsi congolais menacés d’extermination en les octroyant une entité autonome dotée des tous toutes les instances gérées par eux-mêmes. Leur assurer un quota de représentation dans la gestion de la chose publique à tous les niveaux : national, provincial et local.
4. Nous demandons de démilitariser le secteur des Hauts-Plateaux et Moyens-Plateaux, de chasser les forces étrangères qui y opèrent librement et de désarmer les forces négatives, Maï-maï et leurs alliés milices burundaises.
5. Nous demandons à la communauté internationale d’apporter un secours humanitaire aux milliers des personnes encerclées dans les coins isolés notamment Minembwe, Kamombo, Mugueti, Bibokoboko, Kaholololo, Mutarule, etc. Ces déplacés internes sont sans abri, nourriture ni médicaments, et passent des nuits à la belle étoile, à la merci des intempéries.
6. De venir au secours de milliers de familles dans les brousses partout fuyant les tueries.
7. Nous demandons à la communauté internationale de diligenter une enquête sur le génocide opéré par des milice Maï-maï contre la Minorité tutsi Banyamulenge.
8. Nous demandons à la cour internationale de poursuivre les politiciens tireurs de ficelles dans cette affaire et les instigateurs des troubles qui lancent des messages haineux sur des réseaux.
9. Nous demandons à la communauté internationale de sortir de l’inaction en enjoignant à la MONUSCO d’intervenir pour défendre et protéger les civiles victimes des tueries, des pillages et de viols.
10. Nous demandons aux médias indépendants de se rendre sur les lieux pour s’enquérir de l’évolution de la situation en lien avec le conflit.
11. Enfin nous demandons à la communauté internationale d’agir, de ne pas rester sourde aux appels de secours de cette communauté et de ne pas fermer les yeux devant un cauchemar qu’un simple mot sans hypocrisie politique du président de la RDC ou celui d’un des pays puissants suffit pour l’arrêter.
Tout en vous remerciant de l'attention que vous prêterez à notre cri de détresse, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Secrétaire Général de l'Organisation des Nation Unies, nos plus respectueuses salutations.
Nous saisissons de cette occasion pour vous pour vous présenter nos vœux les meilleurs pour le Nouvel An 2022.
le 29 Décembre 2021
Paul KABUDOGO RUGABA
Défenseur des Droits Humains
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