Les contradictions de l’opinion internationale sur le conflit en RDC : Une lecture critique
- Paul KABUDOGO RUGABA
- 5 avr.
- 3 min de lecture

Il est devenu presque routinier d’entendre certaines voix, issues notamment de la France, de la Belgique, de la RDC et de leurs alliés, dénoncer avec insistance une prétendue implication du Rwanda dans la déstabilisation de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Ces positions, souvent reprises dans des forums internationaux, traduisent une indignation sélective et masquent mal une vision partielle, voire partiale, du conflit en cours.
Ainsi, des questions orientées telles que : « Comment le Rwanda peut-il continuer à nier toute implication alors que les faits documentés et les prises de position internationales convergent vers une responsabilité directe de ce pays dans la déstabilisation de l'Est de la RDC ? » deviennent la norme d’un discours politique déguisé en posture humanitaire. Ces formulations, souvent relayées par des diplomates ou des institutions, sont le fruit d’une rhétorique construite par des puissances qui, historiquement et politiquement, ont intérêt à maintenir une lecture manichéenne du conflit.
Pourtant, un regard honnête sur la situation révèle une série de contradictions flagrantes dans l’approche internationale, que voici :
Une attention prétendument soutenue mais sélective
Il est régulièrement affirmé que « la communauté internationale suit avec la plus grande attention la situation sécuritaire dans les Grands Lacs ». En réalité, si une telle attention existait, elle aurait inévitablement mis en lumière le génocide à bas bruit mené depuis plus de deux décennies contre les Banyamulenge, les Tutsi du Nord-Kivu, et les Hema en Ituri. Aucune commission sérieuse n’a dénoncé ou documenté systématiquement les massacres, les déplacements forcés, la destruction de villages, ni les discours haineux relayés jusque dans les rangs de l’armée congolaise.
Le mythe de la détérioration humanitaire dans les zones contrôlées par le M23
Contrairement à l’image véhiculée par certains rapports, la prise de Goma et Bukavu par les forces du M23 n’a pas provoqué une « grave détérioration humanitaire ». Au contraire, des témoignages locaux indiquent que ces zones ont connu un apaisement relatif : sécurité accrue, reprise des activités économiques, amélioration de la propreté urbaine, circulation libre des personnes. Le seul secteur resté dysfonctionnel est celui bancaire, bloqué à distance par les autorités de Kinshasa, qui ont vidé les coffres et exfiltré les données bancaires.
Des sanctions motivées par la solidarité politique, non par les faits
L’Allemagne, le Canada, et d'autres partenaires du Rwanda ont suspendu leur aide bilatérale, non à cause de preuves irréfutables, mais par une solidarité politique — parfois aveugle — envers la France et la Belgique, influentes au sein de l’Union européenne. Ces décisions auraient pu être bien différentes si des évaluations objectives et de terrain avaient été menées.
Une obsession sur le Rwanda, un silence complice sur d'autres acteurs
Tandis que l’on fustige le Rwanda, on garde un silence assourdissant sur le rôle du Burundi, de la République Sud-Africaine, du Malawi, de la Tanzanie, de la Belgique, de la Roumanie, et même de la MONUSCO, tous engagés, d'une manière ou d'une autre, dans le soutien aux FDLR ou aux Wazalendo. Ces forces, connues pour leurs antécédents de violence contre des civils, bénéficient pourtant d’une indulgence diplomatique difficile à justifier.
Une vérité géopolitique ignorée : le Rwanda n’est pas le problème
Le Rwanda n’est ni à l’origine du conflit ni une menace pour la RDC. Sa position a toujours été claire : il comprend les revendications du M23, sans nécessairement les endosser. Le vrai problème réside dans l’échec de Kinshasa à reconnaître les droits fondamentaux des communautés marginalisées — une revendication à la fois simple et légitime. La paix ne nécessite aucune équation complexe ; elle ne demande qu’une volonté politique de garantir la citoyenneté pleine et entière à tous les Congolais, sans discrimination.
En conclusion, ce que l’on présente comme un consensus international est, en réalité, une construction politique guidée par des intérêts coloniaux persistants, une mauvaise foi géostratégique, et un manque de courage moral. Il est temps que la communauté internationale revoie sa grille de lecture du conflit congolais, non à travers les prismes de la propagande ou de l’idéologie, mais à travers la réalité des faits, des souffrances, et des aspirations légitimes des populations concernées.
le 05 avril 2025
Paul Kabudogo Rugaba
Comments