Les Banyamulenge se heurtent à de multiples défis presque insurmontables. Dans les Hauts-Plateaux de Mulenge, leur calvaire quotidien est bien connu de tous. Ils sont confrontés à des attaques répétées des groupes armés Maï-Maï, ainsi qu'à une persécution systématique par les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC). Leurs biens sont pillés, leurs champs dévastés, leur bétail razzié, et leurs maisons incendiées par des groupes armés Maï-Maï le avec la bénédiction de FARDC. Chaque jour, ils luttent pour leur survie dans un environnement où l'insécurité règne en maître.
Dans la plaine de la Ruzizi, la situation n'est guère meilleure. En plus des problèmes communs avec les Hauts-Plateaux, les Banyamulenge qui y vivent sont exposés à des kidnappings fréquents opérés par les Maï-maï, et ceux qui ne sont pas tués sont souvent libérés contre des rançons exorbitantes en dollars américains.
À cette insécurité s'ajoute un autre fléau : les épidémies. Les maladies de toutes sortes frappent sans relâche une population déjà affaiblie. Les mesures préventives et punitives sont largement insuffisantes pour contenir ces crises sanitaires. Le système de santé est désespérément sous-équipé, et la qualité du personnel médical est alarmante. Quelques médecins continuent de se rendre sur place, mettant leur vie en danger pour soigner les malades. Mais ces médecins, courageux et dévoués, sont parfois tués par des groupes armés Maï-Maï ou emprisonnés par les services de sécurité de l'État.
Les pandémies et les épidémies telles que le choléra, l’Ebola, le Covid-19, Variole simienne ont frappé et frappent encore ces régions, mais providentiellement, ces pauvres abandonnés ont survécu et survivent à ces crises sanitaires.
Chez les Banyamulenge, le SIDA est un sujet entouré de silence et de tabous dus à deux facteurs : primo, les hauts-plateaux sont reculé et dépourvu de ‘équipement nécessaire capable de détecter cette maladie. Secundo, dans cette communauté, la stigmatisation sociale liée à cette maladie empêche souvent les personnes infectées de chercher de l'aide, de se faire diagnostiquer ou de discuter ouvertement de leur état de santé. Le silence qui entoure le SIDA n'empêche cependant pas la maladie de faire des ravages. Bien que peu évoqué publiquement, il est clair que le SIDA décime une partie de la population, tout comme dans d'autres régions touchées par l'épidémie.
Cependant, un autre ennemi silencieux fait des ravages : le cancer. Aujourd'hui, la majorité des décès parmi les Banyamulenge, lorsqu'ils ne sont pas causés par des balles, sont dus à cette maladie impitoyable.
Ainsi, les Banyamulenge en RDC se trouvent pris au piège d'un cycle infernal de violence, de misère et de maladies. La pauvreté y est extrême, atteignant des niveaux insupportables. C'est une misère totale, où la survie est un combat quotidien. Leur situation est un cri de désespoir qui résonne dans l'indifférence générale, un appel à l'aide auquel le monde reste sourd.
La diaspora Banyamulenge dans les pays limitrophes tels que le Burundi, le Rwanda, l'Ouganda, le Kenya, et l'Éthiopie n'est pas épargnée par les épreuves et les difficultés. En dépit de la relative sécurité physique qu'ils y trouvent, de nombreux membres de la communauté sont confrontés à un chômage endémique qui rend la vie en milieu urbain extrêmement précaire. Le manque d'opportunités d'emploi pousse certains à s'aventurer dans des zones dangereuses en quête de moyens de subsistance, mettant leur vie en péril.
Au Kenya, par exemple, les Banyamulenge sont souvent victimes d'attaques mortelles perpétrées par des bandits. Ces actes de violence, qui visent particulièrement les membres de cette communauté, ajoutent une couche supplémentaire d'insécurité à une existence déjà marquée par l'incertitude. Vivre dans l'insécurité permanente est devenu le quotidien de ceux qui tentent de se construire une nouvelle vie loin de leur terre d'origine.
La plupart des membres de la diaspora survivent grâce au soutien financier de leurs familles établies en Occident, principalement en Europe et en Amérique du Nord. Ces membres expatriés envoient de l'argent régulièrement pour subvenir aux besoins de leurs proches restés en Afrique de l'Est. Cependant, tous n'ont pas la chance de bénéficier de cette aide. Ceux qui n'ont pas de famille en Occident peinent à joindre les deux bouts et luttent chaque jour pour assurer leur survie. Leur situation est d'autant plus critique qu'ils sont confrontés à l'isolement social et à l'absence de réseaux de soutien solide.
Pour ceux qui vivent dans les camps de réfugiés, la situation est encore plus dramatique. Les conditions de vie y sont particulièrement difficiles, marquées par la pauvreté extrême et le manque de ressources. Ils doivent se contenter d'une allocation dérisoire de 6 dollars par mois, une somme insuffisante pour couvrir les besoins les plus élémentaires. Cette misère quotidienne engendre un profond sentiment de désespoir parmi les réfugiés, qui se sentent abandonnés et sans espoir d'un avenir meilleur.
En somme, la diaspora Banyamulenge dans ces pays voisins, bien qu'éloignée des violences directes qui sévissent dans les Hauts-Plateaux, n'est pas à l'abri des difficultés. Le chômage, l'insécurité, et la précarité économique définissent leur quotidien, rendant leur situation extrêmement fragile. Ces défis, combinés à l'absence de perspectives d'avenir (sauf au Rwanda ou l’éducation est facile d’accès), plongent de nombreux membres de la communauté dans une lutte continue pour la survie.
Ceux qui vivent dans les pays développés parviennent généralement à boucler leur mois sans trop de difficultés. Toutefois, malgré cette apparente stabilité, une grande partie de la diaspora Banyamulenge se trouve en réalité sous le seuil de pauvreté, si l’on considère leurs revenus mensuels. Cette précarité économique est souvent liée à plusieurs facteurs, notamment les contraintes liées à leur niveau d’éducation, l’absence de reconnaissance de leurs diplômes dans les pays d’accueil, ainsi que le manque de maîtrise de la langue et des compétences techniques locales. Ces obstacles constituent une barrière presque insurmontable pour les générations plus âgées, qui peinent à s’intégrer pleinement dans le marché du travail.
La jeunesse, bien que bénéficiant parfois de meilleures opportunités pour échapper à ce cercle vicieux, n’est pas pour autant à l’abri des difficultés. Une fois plongés dans l’abondance relative et les privilèges qu’offre la vie en Occident, ces jeunes deviennent souvent inconscients des réalités auxquelles leurs frères et sœurs en Afrique doivent faire face. Comparativement à leur nouvelle réalité, ils se considèrent pauvres dans ce nouvel environnement, ce qui les pousse parfois à adopter des comportements déviants. Nombre d’entre eux se tournent vers la délinquance juvénile, attirés par la recherche d’un statut ou par le désir de combler un vide existentiel. Cette dérive les conduit souvent à la dépendance aux drogues, un fléau qui mine leur potentiel et leur avenir.
La situation est d'autant plus préoccupante que ces jeunes, confrontés à l'échec ou à l'impossibilité de s'intégrer pleinement dans leur nouveau milieu, tombent facilement dans la dépression. Le sentiment de ne pas être à la hauteur des attentes de la société ou de leur famille, combiné à la solitude et au manque de soutien, les mène parfois à des extrémités tragiques. Le suicide est ainsi devenu une issue de plus en plus fréquente pour certains, un signal d'alarme qui ne peut être ignoré.
Un autre phénomène inquiétant a récemment fait son apparition au sein de la communauté Banyamulenge en diaspora : l'augmentation des naissances de bébés atteints d'autisme. Ce phénomène, encore mal compris, suscite de nombreuses interrogations parmi les membres de la communauté. Est-ce le résultat d'une mutation génétique ou simplement le fait que l'autisme, autrefois méconnu ou ignoré, est désormais mieux diagnostiqué ? Les familles se retrouvent démunies face à cette nouvelle réalité, manquant cruellement d’informations et de soutien pour faire face à ces défis.
Face à ces problèmes, il est impératif que les chercheurs spécialisés dans les domaines concernés se penchent sur ces questions pour mieux comprendre les causes de ces phénomènes et proposer des solutions adaptées. Sans cela, la communauté risque de s'enliser encore plus dans un océan de difficultés, où chaque nouvelle génération semble condamnée à reproduire les épreuves de la précédente. Il est crucial d'apporter des réponses rapides et efficaces pour permettre à la diaspora de surmonter ces obstacles et de construire un avenir meilleur.
le 2 sept. 2024
Paul Kabudogo Rugaba
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