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Paul KABUDOGO RUGABA

Les Banyamulenge, ces éternels bouc-émissaires entre le marteau et l’enclume

Dernière mise à jour : 28 août


 

Le conflit entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda est l'un des conflits les plus complexes et les plus durables de la région des Grands Lacs. Dans ce contexte, les Banyamulenge, une communauté tutsi congolaise vivant principalement dans les Hauts Plateaux du Sud-Kivu, se retrouvent pris entre deux feux, victimes de leur appartenance ethnique et de la géopolitique régionale. Pour eux, ce conflit représente bien plus qu'une simple querelle entre deux États ; c'est une question de survie, où ils se trouvent véritablement entre le marteau et l'enclume.


1. Les Banyamulenge : Une Identité Contestée

Les Banyamulenge sont une communauté d'éleveurs tutsis qui se sont installés dans les Hauts Plateaux de l'Est de la RDC il y a plusieurs siècles. Cependant, leur identité est de plus en plus contestée par d'autres communautés congolaises qui les perçoivent comme des étrangers ou des "Rwandais". Cette perception a été exacerbée par les tensions entre la RDC et le Rwanda, particulièrement depuis les guerres des années 1990 et 2000, lorsque les Banyamulenge ont été associés, souvent à tort, aux intérêts rwandais en RDC.

Cette stigmatisation a conduit à une marginalisation systématique des Banyamulenge au sein de la société congolaise, ainsi qu'à une violence récurrente contre eux. Ils sont souvent pris pour cible par des groupes armés locaux, notamment les Maï-Maï, qui les considèrent injustement comme des agents de l'influence rwandaise en RDC. Cela place les Banyamulenge dans une position extrêmement vulnérable, où ils sont perçus comme des cibles.


2. Le Rwanda Protecteur de Banyamulenge, un véritable quiproquo

D'un autre côté, le Rwanda, en raison de ses interventions militaires en RDC (qui n'ont presque jamais eu lieu sur le territoire des Banyamulenge) et de ses liens historiques avec la communauté rwandophone du Nord-Kivu, est souvent perçu comme un protecteur des Banyamulenge. Cependant, cette protection n’a jamais réellement existé.

Si le Rwanda a parfois soutenu des rébellions telles que l'AFDL et le RCD en RDC, il est crucial de comprendre que ses intérêts dans la région sont avant tout motivés par des considérations de sa sécurité nationale, ainsi que par des objectifs géopolitiques et économiques. Kigali n'hésite pas à sacrifier les intérêts des Banyamulenge lorsque cela sert ses propres objectifs stratégiques. Cela a été particulièrement évident durant la guerre de l'AFDL menée contre Mobutu, où les Banyamulenge, malgré leur implication cruciale, ont été privés de grades militaires et de postes importants. Leurs officiers ont été mis sur la touche en tant que réservistes, tandis que James Kabarebe, un officier rwandais, exerçait la fonction de chef d’état-major. Ils ont été utilisés comme des instruments, mais n'ont pas bénéficié des résultats de la rébellion.

Un autre exemple est l'épisode du CNDP au Nord-Kivu, où ce mouvement a été dissous et son leader, le général Laurent Nkunda, arrêté au moment où la question des Tutsis du Nord-Kivu commençait à résonner à l’échelle mondiale. Ces événements montrent clairement que la soi-disant protection du Rwanda envers les Banyamulenge est une illusion. Ceux qui utilisent cet argument de protection ne font que promouvoir un prétexte fallacieux, nourrissant ainsi la propagande et les théories conspirationnistes.

Les Banyamulenge dans leur terroir, bien que d'origine tutsi, n'ont jamais été en aucun cas une priorité centrale pour le Rwanda dans ses interventions en RDC. Bien que partageant une origine ethnique commune avec les Tutsis du Rwanda, les Banyamulenge ont leur propre identité culturelle et des intérêts distincts. Ils n'ont jamais bénéficié d'un soutien ou d'une protection systématique de la part de Kigali. Cela fait sept ans que les Banyamulenge font face à des attaques incessantes de groupes armés locaux et étrangers, sans qu'une quelconque intervention rwandaise vienne à leur secours.

En réalité, les intérêts du Rwanda en RDC vont bien au-delà de la protection des Banyamulenge. On se souviendra que lors de la guerre de l’AFDL, le Rwanda a tenté de déporter les Banyamulenge. Il soutient parfois des groupes armés qui ont eux-mêmes commis des exactions contre les Banyamulenge, démontrant ainsi que la préservation de cette communauté n'est pas une priorité pour Kigali. Il est dit que Yakutumba s’est rendu à plusieurs reprises au Rwanda avant de lancer son offensive visant à déraciner les Banyamulenge. Les Red-Tabara, alliés de Kigali, ont largement contribué à la destruction des villages Banyamulenge.  

Toutefois, il faut reconnaître certains bienfaits dont ont bénéficié les Banyamulenge en dehors des Hauts-Plateaux, notamment au Rwanda. Sur le plan d’ensemble, l'accueil y a été relativement favorable, surtout en comparaison avec celui réservé à ces mêmes Banyamulenge dans leur propre pays, la RDC, où la mort ou l’enfer des prisons les attendent souvent. Les massacres de Gatumba en sont un témoignage éloquent. Les Banyamulenge qui y ont été massacrés l'ont été dans le but de les empêcher de retourner dans leur pays, soulignant ainsi la brutalité et l'hostilité auxquelles cette communauté fait face en République Démocratique du Congo. Le décret portant création de réserve naturelle l’ensemble du territoire ou habite cette communauté vise à la déraciner. Le 13 août 2024, le maire de la ville de Bukavu a empêché la commémoration de massacre de Gatumba.

Au Rwanda les Banyamulenge sont en ce toute sécurité. Et c’est ce qui compte.  Néanmoins les conditions sont   complexes et variées, rendant difficile une description uniforme de leur situation.

Les Banyamulenge qui se trouvent dans les camps de réfugiés au Rwanda vivent dans des conditions extrêmement précaires. Ils sont souvent confrontés à des difficultés quotidiennes pour subvenir à leurs besoins de base, tels que la nourriture, l'eau potable, les soins médicaux et l'éducation.  C’est pareil aux autres camps de réfugiés qui sont au Burundi, en Uganda et au Kenya.

Ces conditions sont d'autant plus critiques que leurs dossiers de réinstallation progressent lentement à compte goute, voire stagnent, et leurs revendications sont souvent étouffées, laissant ces réfugiés dans une situation de désespoir et d'incertitude quant à leur avenir.

En revanche, ceux qui ont réussi à s'intégrer dans la société rwandaise ont initialement été bien accueillis. Ils ont pu bénéficier de divers avantages des citoyens, ce qui leur a permis de mener une vie relativement stable et digne. Cette intégration a permis à certains d'entre eux d'accéder à des services de santé, à l'éducation et à des opportunités économiques, leur offrant ainsi une chance de reconstruire leur vie après avoir fui les violences dans les Hauts-Plateaux. À ce titre, un sincère remerciement est dû pour l'accueil et le soutien initialement offerts à ces Banyamulenge intégrés, qui ont pu se sentir à l’aise dans la société rwandaise.

Cette disparité pourrait s'expliquer par plusieurs facteurs. Premièrement, les Banyamulenge réfugiés au Rwanda, en particulier ceux dans les camps, sont souvent perçus comme une population temporaire et vulnérable, dépendante de l'aide internationale et des décisions politiques locales. Leur marginalisation est exacerbée par la lenteur des processus administratifs et par un manque de volonté politique de de l’ONU de  leur offrir des solutions durables.

En revanche, les Banyamulenge qui ont réussi à s'intégrer se sont souvent distingués par leur capacité à s'adapter, à contribuer à l'économie locale, et à participer activement à la vie sociale rwandaise. Cela a pu leur permettre de gagner la confiance des autorités et de la population locale, facilitant ainsi leur inclusion. Mais cette intégration reste fragile et dépendante de l'évolution des dynamiques politiques et sociales au Rwanda.

La situation tend à évoluer avec le temps. Les défis auxquels sont confrontés les Banyamulenge intégrés au Rwanda commencent à se manifester, et les conditions d'accueil ne sont plus aussi favorables qu'auparavant. Cela soulève des questions des inquiétudes quant à l’avenir

En somme Les Banyamulenge se retrouvent ainsi dans une position délicate. D'une part, ils sont méfiants envers un État congolais qui les marginalise, les persécute et les laisse à la merci de caprices des milices terroristes. C’est tout à fait normal de se mefier d'un pouvoir opresseur.  D'autre part, ils ne peuvent pas compter sur un soutien inconditionnel du Rwanda, qui n'hésitera pas à les utiliser comme des pions dans son jeu géopolitique. Cette situation rend les Banyamulenge extrêmement vulnérables, car ils sont à la merci des décisions prises à Kigali et à Kinshasa, souvent sans considération pour leur sort.


3. Cui bono ? 

Il est important de se demander à qui véritablement profite les conflits et les rébellions pour comprendre les auteurs et les enjeux derrière. Certainement pas aux Banyamulenge, qui, malheureusement, en ont payé et en paient encore aujourd'hui le prix fort.

Les conflits en République démocratique du Congo (RDC) profitent à plusieurs acteurs, tant internes qu'externes, chacun ayant des intérêts spécifiques qui sont servis par l'instabilité persistante dans le pays.

  1. Groupes armés locaux : Les nombreux groupes armés qui opèrent en République Démocratique du Congo (RDC) tirent profit des conflits en prenant le contrôle de territoires riches en ressources naturelles, notamment les minerais tels que le coltan, l'or, et les diamants. Ces ressources deviennent pour eux une source vitale de financement, leur permettant de maintenir et d'étendre leur influence dans diverses régions du pays.Un exemple marquant est celui du groupe armé dirigé par Yakutumba, un Mubembe, qui contrôle des carrières minières à Misisi. Ce groupe utilise les revenus de l'exploitation de ces mines pour financer ses activités militaires et renforcer sa présence dans le Sud-Kivu. De même, Kibukila, un autre chef de guerre Mubembe, détient des sites miniers à Mibunda, où il exploite les ressources pour soutenir ses opérations.Dans la plaine de la Ruzizi, la situation est tout aussi préoccupante. Les "coupeurs de route" et les kidnappeurs, souvent issus des milices Maï-Maï Bafuliro, opèrent comme des fourmis, semant la terreur parmi la population locale. Ces groupes pratiquent l'enlèvement contre rançon, extorquant de l'argent aux familles et alimentant ainsi un cycle de violence et d'insécurité qui entrave le développement de la région.L'exploitation des ressources naturelles par ces groupes armés alimente non seulement leur pouvoir militaire, mais perpétue également l'instabilité en RDC. Leur contrôle sur ces richesses naturelles est un facteur clé qui permet à ces milices de survivre et de continuer à mener des activités criminelles, exacerbant les conflits et la souffrance des populations locales.


  2. Entreprises multinationales et exploitants illégaux : Les conflits permettent à certaines entreprises et exploitants illégaux de tirer profit de l'extraction de ressources dans des zones où l'État n'a pas de contrôle. L'instabilité favorise le commerce illégal des minerais, souvent exportés sans être correctement taxés, enrichissant ainsi des entreprises qui opèrent en dehors de tout cadre légal. Un cas parmi tant d’autre est celui de Dan Gertler, un milliardaire israélien qui a été sanctionné par le gouvernement états-unien pour corruption en RDC.

  3. Élites politiques et militaires : Certaines élites politiques et militaires congolaises exploitent les conflits pour renforcer leur pouvoir et s'enrichir. Elles tirent profit du chaos pour détourner des fonds publics, contrôler les réseaux d'exploitation des ressources minières, et maintenir leur influence en exacerbant les rivalités ethniques et locales. Ce système, initié sous le régime de Mobutu, s'est perpétué sous ses successeurs, les Kabila, et continue aujourd'hui sous la présidence de Tshisekedi. Chacun de ces présidents a pris le contrôle des plus grandes mines du pays pendant leur mandat, transformant ainsi les biens de l'État en biens privés, essentiellement au profit de leurs familles.Dans son article :  Rwanda-RD Congo. La guerre des récits, Jason Stearnes  dit que la quasi-totalité des grandes exploitations minières en République Démocratique du Congo (RDC) se situe loin des zones de conflit. Dans ces régions relativement stables, des chaînes d'approvisionnement bien structurées relient les mineurs locaux à des négociants et à des centrales d'achat internationales. Ces réseaux permettent l'expédition de minerais vers des destinations mondiales où ils sont raffinés. Cependant, ces profits considérables ne bénéficient qu'à une poignée de familles au pouvoir, qui continuent de s'enrichir au détriment du développement national et du bien-être des populations locales.Ainsi, le contrôle des ressources minières, loin d’être un outil de développement pour l’ensemble du pays, est devenu une source de richesse personnelle pour les élites dirigeantes, renforçant les inégalités et alimentant les conflits qui déchirent la RDC. Le détournement systématique des ressources publiques et l'exploitation des rivalités locales par ces élites ont transformé les richesses naturelles du Congo en une malédiction, privant le peuple congolais des bénéfices qu’il pourrait en tirer.


  4. États voisins : Certains pays voisins de la RDC, comme la Zambie, la Tanzanie, le Rwanda, l'Ouganda, et le Burundi, sont souvent accusés de soutenir des groupes armés ou d'intervenir directement pour sécuriser leurs propres intérêts, notamment en matière d'exploitation des ressources naturelles ou d'influence géopolitique dans la région. Par exemple, la mine de Rubaya, connue pour ses richesses en coltan et autres minerais, située au Nord-Kivu, à l'est de la République Démocratique du Congo, est désormais sous le contrôle de l'armée burundaise. Malgré cela, seul le Rwanda est régulièrement pointé du doigt, alors que cette pratique est répandue. Toutefois, il semble que ces accusations soient parfois exagérées contre les pays voisins de la RDC. Ces pays profitent du transit des minerais, en particulier l'or et le coltan, principalement à destination des Émirats Arabes. Il s'agit d'un trafic reconnu qui n'est pas illégal. Ainsi, tout mouvement ne doit pas être systématiquement interprété comme un pillage.

  5. Acteurs internationaux : Des puissances étrangères, parfois sous couvert d'opérations humanitaires ou de missions de maintien de la paix, poursuivent des intérêts stratégiques en République Démocratique du Congo (RDC), principalement liés à l'accès aux vastes ressources naturelles du pays ou à l'influence géopolitique dans la région des Grands Lacs. Ces interventions, bien qu'affichant souvent des objectifs de stabilisation et de développement, sont perçues par beaucoup comme servant avant tout les intérêts des nations étrangères plutôt que ceux du peuple congolais.

    La communauté internationale, malgré de nombreux efforts pour instaurer la paix, est parfois vue comme contribuant indirectement à la perpétuation du conflit. En ne parvenant pas à instaurer une paix durable et en prenant des positions favorables à un gouvernement responsable de troubles au sein de son propre pays, elle semble cautionner un statu quo qui maintient l'instabilité. Cette situation permet à la force onusienne de maintien de la paix à renouveler indéfiniment ses mandats, en même temps à ces puissances étrangères de continuer à exploiter les ressources de la RDC sous un voile de légitimité, tout en évitant de s'attaquer aux causes profondes du conflit.Selon l’étude du professeur Jason Stearns, qui confirme que de nombreux acteurs internationaux tirent donc profit du chaos persistant en RDC. Cependant, ajoute-t-il, « une grande partie de ces profits est liée aux injustices systémiques de l’économie mondiale et non à une conspiration visant à aggraver le conflit sur place. L’apathie et le caractère exploiteur du système international, et non l’intention criminelle, sont probablement les principaux coupables. » 


L'apathie et le caractère exploiteur du système international, où les priorités économiques et géopolitiques l'emportent souvent sur les considérations humanitaires, sont probablement les principaux responsables de la situation. Ce n'est pas tant une intention criminelle qui est en jeu, mais plutôt un système global indifférent aux souffrances locales, axé sur le maintien de l'accès aux ressources et le contrôle stratégique de la région.

Ces intérêts imbriqués rendent le conflit en RDC particulièrement complexe et difficile à résoudre, chaque acteur ayant un certain intérêt à ce que l'instabilité perdure.


4. La Violence Sans Fin : les Banyamulenge Victimes des Deux Côtés

Les conflits dans l'Est de la RDC ont conduit à des cycles de violence interminables, où les Banyamulenge se retrouvent souvent en première ligne. Les attaques contre leurs villages, les massacres, et les déplacements forcés sont monnaie courante. Ces violences sont perpétrées tant par les groupes armés congolais que par des milices soutenues par le Rwanda, plaçant les Banyamulenge dans une situation où ils sont ciblés par les deux côtés du conflit. C’est le cas des Maï-maï et des Red-Tabara

L'implication du Rwanda dans les affaires congolaises a souvent été utilisée comme justification par le gouvernement congolais et les groupes armés pour intensifier la répression contre les Banyamulenge. En même temps, la présence du Rwanda en RDC, apporte l’eau au moulin aux théories conspirationniste qui rend la communauté banyamulenge suspecte aux yeux de nombreux Congolais, ce qui renforce encore leur isolement et leur vulnérabilité. On peut citer Charles Onana.

La survie des Banyamulenge dépend en grande partie de leur capacité à obtenir une reconnaissance et un soutien tant au niveau national qu'international. À ce jour, la communauté banyamulenge a manqué de représentation efficace au sein des structures de pouvoir en RDC, ce qui complique leur capacité à défendre leurs droits et à assurer leur sécurité.

La communauté internationale, bien que consciente de la situation, n'a pas toujours pris des mesures significatives pour protéger les Banyamulenge. La MONUSCO, par exemple, a été critiquée pour son incapacité à prévenir les violences contre cette communauté. De plus, les efforts diplomatiques pour résoudre le conflit entre la RDC et le Rwanda n'ont souvent pas pris en compte les besoins spécifiques des Banyamulenge, qui continuent de souffrir dans l'ombre de ce conflit.


5. Qu’est ce qui est le responsable des conflits

La République Démocratique du Congo (RDC), un pays aux ressources naturelles incommensurables et à la diversité culturelle remarquable, est, depuis son indépendance en 1960, un théâtre de conflits internes incessants. Si les causes de ces conflits sont multiples et complexes, la responsabilité de l'État congolais dans leur émergence et leur perpétuation vient au premier plan. Les autres bénéficiaires passent par des brèches qu’il laisse ouvertes. C’est un sujet qui mérite une analyse approfondie.  

Cette responsabilité se manifeste à travers plusieurs aspects, la mauvaise gouvernance, la corruption endémique, et l'incapacité à garantir la sécurité de ses citoyens. Au-delà de ces facteurs structurels, un élément central contribue à la perpétuation de la violence : l'absence de volonté politique de la part des dirigeants congolais pour résoudre ces conflits de manière durable.


a.      La Corruption et le Manque de Gouvernance

Un autre facteur clé de l'absence de volonté politique pour résoudre les conflits en RDC est la corruption généralisée et le manque de gouvernance. Les élites politiques, souvent plus préoccupées par l'enrichissement personnel que par le bien-être de la population, n'ont que peu d'intérêt à instaurer la paix. Les ressources allouées à la sécurité et au développement sont souvent détournées à des fins privées, tandis que les institutions de l'État restent faibles et incapables de fournir les services de base.

Le manque de gouvernance se traduit également par une absence de stratégie cohérente pour gérer les conflits. Les initiatives de paix sont souvent superficielles, limitées à des accords de cessez-le-feu temporaires qui ne traitent pas les causes profondes des violences. De plus, la justice transitionnelle, essentielle pour mettre fin à l'impunité et rétablir la confiance entre les communautés, est largement absente, ce qui perpétue un climat de méfiance et d'injustice.


b.     Incapacité à Garantir la Sécurité

L'un des devoirs fondamentaux de tout État est d'assurer la sécurité de ses citoyens. Cependant, en RDC, l'État a failli à cette tâche. Les forces de sécurité, souvent mal équipées, mal payées et infiltrées par des éléments criminels, sont incapables de protéger la population contre les exactions des groupes armés. Pire encore, dans certains cas, elles sont complices des violences, comme en témoignent les nombreuses accusations portées contre l'armée congolaise (FARDC) dans les régions de conflit. Un exemple typique, à l’heure actuelle, les habitants de Goma, agacés, demandent à la rébellion de M23 de venir les libérer de FRDC, car il y a une différence nette de sécurité, entre les zones sous contrôle de ce mouvement et celles sous l’armée régulière supposée l’assurer.



c.     Une Histoire de Conflits Non Résolus

Depuis l'indépendance en 1960, la RDC a été le théâtre de multiples conflits, allant des rébellions armées aux guerres régionales impliquant plusieurs pays voisins. Ces conflits ont causé des millions de morts, déplacé des millions de personnes, et plongé le pays dans une instabilité chronique. Cependant, malgré les nombreux accords de paix signés au fil des ans, la paix durable reste insaisissable. Cela est dû en grande partie à l'absence de volonté politique des dirigeants congolais pour mettre en œuvre les réformes nécessaires et s'attaquer aux causes profondes de ces conflits.


d.      La Politique du "Diviser pour Régner"

L'un des principaux obstacles à la résolution des conflits en RDC est la stratégie de "diviser pour régner" adoptée par de nombreux dirigeants congolais. Plutôt que de promouvoir l'unité nationale et la réconciliation, les gouvernements successifs ont souvent exploité les divisions ethniques et régionales pour asseoir leur pouvoir. En attisant les rivalités entre différentes communautés, ils ont pu maintenir un contrôle politique tout en détournant l'attention des problèmes socio-économiques et des revendications légitimes des populations.

Cette stratégie est particulièrement évidente dans l'Est de la RDC, où les groupes armés prolifèrent, souvent soutenus en sous-main par des acteurs politiques. Le ministre Muhindo Nzangi, le député Justin Bitakwira, Mbusa Nyamwisi pour ne citer que ceux-là, ont des armées propres à eux qui sèment le carnage.  Au lieu de désarmer ces groupes et de promouvoir une véritable réconciliation, le gouvernement central a parfois préféré jouer sur les antagonismes locaux pour maintenir un statu quo qui lui est favorable. Cette absence de volonté politique de s'attaquer aux racines des conflits ne fait qu'entretenir un cycle de violence sans fin.


i.                     Tribalisme et Racisme en RDC : Un Phénomène Soutenu par le Pouvoir

La République Démocratique du Congo (RDC) est une nation caractérisée par une incroyable diversité ethnique, regroupant plus de 450 groupes tribus différentes. Si cette diversité pourrait être une source de richesse culturelle, elle est malheureusement souvent exploitée pour diviser, discriminer, et marginaliser. Le tribalisme et le racisme, bien que condamnés publiquement, sont des phénomènes profondément enracinés en RDC, soutenus et alimentés par le pouvoir en place pour des raisons politiques et économiques.


ii.                    L'Héritage du Tribalisme et du Racisme dans l'Histoire Congolaise

Le tribalisme en RDC remonte à l'époque coloniale, où les colons belges ont délibérément favorisé certaines ethnies au détriment d'autres, dans le but de diviser pour mieux régner. Après l'indépendance en 1960, les dirigeants congolais ont souvent perpétué ces divisions pour asseoir leur pouvoir. Les rivalités ethniques ont été exacerbées par des politiques discriminatoires et par la manipulation des identités ethniques à des fins politiques. Ces pratiques ont profondément ancré le tribalisme dans la société congolaise.

Le racisme, quant à lui, se manifeste principalement à travers la marginalisation et la stigmatisation des groupes perçus comme « étrangers » ou « non autochtones ». Les Banyamulenge, une communauté tutsi congolaise du sud Kivu, les rwandophone du Nord-Kivu (Tutsi et Hutu), les Hema en Ituri, en sont des exemples frappants, souvent stigmatisés comme des « étrangers » malgré leur présence séculaire en RDC. Ce racisme est non seulement un problème social, mais aussi une arme politique utilisée pour justifier l'exclusion et la persécution.

L'État congolais a souvent joué un rôle central dans l'instrumentalisation des identités ethniques à des fins politiques. Le rapport de la commission Vangu Mambweni considère que toutes les personnes appartenant à l’ethnie tutsi sont d’office des réfugiés.

Au lieu de promouvoir l'unité nationale et la cohésion sociale, certains dirigeants ont attisé les divisions ethniques pour consolider leur pouvoir. Cette manipulation des identités ethniques a conduit à des massacres, à des déplacements massifs de populations et à des cycles de violence qui se répètent sans fin.


iii.                La Persécution des Banyamulenge en RDC : Un Plan Savamment Orchestré par le Gouvernement Congolais

Parmi les groupes les plus persécutés se trouvent les Banyamulenge, une communauté d'origine tutsi vivant principalement dans les Hauts Plateaux de l'Est du pays. Au fil des années, il est devenu de plus en plus évident que la persécution des Banyamulenge n'est pas simplement le fruit de rivalités interethniques, mais un plan savamment orchestré par le gouvernement congolais pour les marginaliser, les déplacer et, à terme, les anéantir.

Les Banyamulenge sont souvent considérés par certains Congolais comme des "étrangers" malgré leur présence centenaire sur le territoire. Cette perception a été exacerbée par les discours politiques qui les désignent comme des envahisseurs, créant ainsi un terreau fertile pour leur persécution. Depuis les années 1990, avec l'effondrement du régime de Mobutu et l'arrivée au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila, les Banyamulenge ont été ciblés de manière systématique, accusés à tort d'être des agents de déstabilisation au service de pays étrangers.

Le gouvernement congolais a joué un rôle clé dans l'exacerbation des tensions entre les Banyamulenge et les autres communautés de l'Est de la RDC, notamment les Babembe, les Bafuliro, et les Banyindu. En encourageant et en armant des milices locales hostiles aux Banyamulenge, l'État congolais a créé un climat de violence où ces derniers se retrouvent constamment attaqués et leurs villages incendiés. Cette violence n'est pas accidentelle ; elle fait partie d'une stratégie délibérée visant à forcer les Banyamulenge à quitter leurs terres ancestrales.

Pour justifier ces actions, on prête aux Banyamulenge des intentions qui ne sont guère les leurs. On fomente des histoires qu’on diffuse sans vérification, transformant des rumeurs en vérités supposées. Trop d’affirmations gratuites sont prises pour des réalités. Chaque fois qu'une voix s'élève pour plaider leur cause, elle se heurte à une avalanche d'attaques tous azimuts, la contraignant ainsi au silence. C'est la dictature du nombre, où la majorité impose son récit, étouffant toute tentative de défendre les droits et l'existence même des Banyamulenge.

Les Banyamulenge sont systématiquement marginalisés au niveau politique. Les rares représentants de cette communauté qui parviennent à accéder à des positions de pouvoir sont souvent neutralisés ou contraints au silence. Cette exclusion politique s'accompagne d'une propagande constante qui les dépeint comme des traîtres à la nation congolaise, justifiant ainsi leur exclusion et leur persécution aux yeux de la population.


iv.                Émergence de tendance de division au sein de Banyamulenge

Face à la situation de persécution et d'instabilité qui frappe la communauté banyamulenge, deux courants de pensée distincts ont émergé en son sein. D'une part, il y a ceux qui se revendiquent nationalistes et qui choisissent de coopérer avec le gouvernement congolais, même lorsque ce dernier persécute leur propre communauté. Ces nationalistes pensent que, par leur loyauté et leur coopération, ils réussiront à convaincre le gouvernement et leurs concitoyens, qui les rejettent, de leur bonne foi et de leur volonté de s'intégrer pleinement dans le tissu national. Cependant, cette approche s'avère souvent vaine, car malgré les efforts déployés, la méfiance et l'hostilité envers eux persistent, laissant leurs espoirs de réconciliation inassouvis.

Au sein de ce groupe de nationalistes, certains poussent leur zèle jusqu'à des extrêmes dangereux, devenant une menace pour leur propre communauté. Dans leur excès de loyauté envers le gouvernement, ces individus n'hésitent pas à pourchasser leurs frères et sœurs, les accusant souvent à tort et contribuant ainsi à leur persécution. Ce comportement rappelle le syndrome de Stockholm, où les victimes finissent par s'identifier à leurs oppresseurs. Il semble que la plupart des cas d'arrestations arbitraires, transférés à Kinshasa, sont le résultat de calomnies fomentées par ces pseudo-nationalistes, qui, dans leur quête de reconnaissance, trahissent leur propre communauté.  De ce fait, ils ne sont plus différents de Justin Bitakwira et de Muhindo Nzangi. On se rappellera discours du ministre honoraire Kamanzi Kibibi qui félicitait les FRDC au moment où cette armée venait d’endeuiller toute sa communauté.

D'autre part, un deuxième groupe, qui prône la résistance par l'autodéfense, voit les choses différemment. Ces résistants ont observé que, malgré les preuves de loyauté offertes lors la rébellion de Mulele, puis lors l’avènement de l’AFD et du RCD, la situation de leur communauté ne fait qu'empirer. Ils constatent un accroissement des tensions et une aggravation des problèmes de cohabitation, creusant un fossé de plus en plus profond entre les Banyamulenge et les autres communautés. Face à cette réalité, ils estiment qu'il ne reste plus qu'une seule option viable : se défendre. Pour eux, il est impératif de protéger leurs droits et leurs libertés, même si cela doit se faire au prix de leur propre sécurité et de leur propre vie. Cette position, bien que risquée, est perçue comme une nécessité pour assurer la survie et la dignité de leur communauté.

Qu'il y ait des nationalistes pro-gouvernementaux ou des résistants pro-autodéfense communautaires, c'est normal. C'est la liberté d'opinion. Chaque individu a le droit de choisir son camp et de défendre ses convictions.C'est encore mieux si tous convergent vers les intérêts communs de la communauté. Mais lorsqu'on dépasse le cadre des idées pour se livrer à une chasse à l'homme, ciblant et éliminant des innocents dans le but de plaire à un gouvernement ingrat, cela devient inacceptable. La violence et la répression ne peuvent jamais être justifiées au nom de la fidélité à un régime ou à une cause. Les vies humaines sont sacrées, et aucun gouvernement, aussi puissant soit-il, n'a le droit de les sacrifier pour ses propres intérêts.

En bref, la persécution des Banyamulenge en RDC ne relève pas simplement d'une série de conflits interethniques, mais d'un plan bien orchestré par le gouvernement congolais pour les détruire en tant que communauté. En manipulant les tensions ethniques, en armant des milices, en utilisant l'armée comme instrument de terreur, et en marginalisant politiquement les Banyamulenge et en les divisant, l'État congolais montre une détermination claire à éliminer cette communauté. Face à cette situation, la communauté internationale a choisi d’être observateur passif n’a pas   exercé des pressions sur le gouvernement congolais pour mettre fin à cette campagne de persécution.  La protection des Banyamulenge est non seulement une question de droits humains, mais aussi une nécessité pour prévenir un autre génocide sur le sol congolais.


v.                  Le Silence Complice de la Communauté Internationale

Malgré les preuves accablantes de la persécution des Banyamulenge, la communauté internationale, y compris les missions des Nations Unies comme la MONUSCO, a souvent fait preuve de passivité face à ces atrocités. Ce silence assourdissant permet au gouvernement congolais de poursuivre son plan sans crainte de sanctions internationales. Les rapports biaisés et incomplets qui minimisent la gravité des attaques contre les Banyamulenge ne font qu'encourager davantage les forces qui cherchent à les éliminer. Pourquoi ce désintérêt?

Bien que la communauté internationale ait investi des milliards de dollars dans des efforts de paix en RDC, notamment à travers la mission des Nations Unies (MONUSCO), ces initiatives ont souvent échoué en raison du manque de volonté politique du gouvernement congolais. Les dirigeants congolais ont souvent utilisé l'aide internationale comme un moyen de maintenir leur pouvoir sans pour autant s'engager sérieusement dans des réformes. La communauté internationale, bien que consciente de cette réalité, a parfois fermé les yeux sur l'inaction du gouvernement, préférant privilégier sa diplomatie    plutôt que la résolution des conflits.

À aucun moment, la question des Banyamulenge n'a occupé l'espace médiatique du monde occidental. Pourtant, lorsque des événements surviennent en Ukraine, en Syrie, au Liban, en Israël ou en Afghanistan, l'écho retentit à travers le monde entier. Pourquoi ce traitement inégal? Pourquoi une telle indifférence envers les souffrances de cette communauté? Ce silence complice ne fait qu'aggraver leur situation, et pose des questions sérieuses sur les priorités et les motivations de la communauté internationale


Conclusion

La persistance des conflits en RDC n'est pas uniquement due à des facteurs historiques ou ethniques, mais résulte en grande partie de l'absence de volonté politique des dirigeants congolais pour résoudre ces crises. La RDC porte une lourde responsabilité dans les conflits internes qui la ravagent. La faiblesse des institutions, la mauvaise gouvernance, la corruption et l'incapacité à garantir la sécurité sont autant de facteurs qui expliquent pourquoi le pays est plongé dans une spirale de violence depuis des décennies. Tant que le pouvoir continuera à exploiter les divisions, à se satisfaire de l'impunité et à négliger les réformes nécessaires, la paix durable restera hors de portée.  Pour sortir de cette impasse, il est impératif que l'État congolais prenne des mesures concrètes pour renforcer ses institutions, promouvoir la bonne gouvernance, l’égalité de tous les citoyens, promouvoir la justice, et favoriser le développement inclusif, bannir le tribalisme et le racisme, et rétablir l'autorité de l'État sur l'ensemble du territoire. La communauté internationale doit également jouer un rôle plus exigeant, en conditionnant son soutien à des progrès concrets en matière de gouvernance et de réconciliation nationale. Sans cela, les conflits continueront à ravager le pays, au grand désarroi de sa population.

Le 27 aout 2024

Paul Kabudogo Rugaba

 

 

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