Le procès de Charles Onana du 7 au 11 octobre, 2024 est au centre de nombreuses controverses, attisant les passions de ses partisans et des plaignants. Ce journaliste et écrivain d’origine camerounaise, connu pour ses positions controversées et souvent qualifiées de négationnistes sur le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, fait l’objet d’une procédure judiciaire en France. Ce procès, au-delà de sa dimension individuelle, revêt des enjeux politiques et symboliques majeurs pour plusieurs pays, dont la France, le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC).
Sur le parvis du Tribunal de Paris, des banderoles de soutien à Charles Onana et son livre Holocauste Congo : L’Omerta de la communauté internationale (L’Artilleur, 2023) flottent, attendant le début de l’audience. Charles Onana fait son entrée, entouré de quatre ou cinq gardes du corps de taille imposante. Plusieurs dizaines de partisans, majoritairement des Congolais et des Hutus rwandais, se regroupent devant la salle d’audience. Parmi eux, la Radiotélévision Nationale Congolaise (RTNC), et de nombreux téléphones sont brandis pour filmer l’arrivée de l’auteur. On entend des acclamations : « C’est un héros ! », des voix congolaises s'élevant pour applaudir un homme qui, paradoxalement, contribue à détruire l'unité de leur pays à travers des mensonges qui ne servent qu’à diviser.
Ce rassemblement, largement composé de Rwandais hutus extremistes et de Congolais favorables à Onana, semble viser à impressionner par leur nombre. Ils espèrent peut-être ainsi créer une pression, voire intimider les plaignants et ceux qui s’opposent aux thèses de l’écrivain. Cependant, ils semblent oublier une vérité tragique : lors du génocide des Tutsis au Rwanda, une grande partie de la population avait également soutenu les atrocités, croyant que leur nombre suffisait à légitimer l’indicible. Pourtant, cela a conduit à l'un des pires cauchemars de l'histoire humaine.
La vérité, quant à elle, ne réside jamais dans la force du nombre, mais dans la justice. Et la justice, elle, reste un impératif moral incontournable, insensible aux manipulations de masse. Face à des crimes aussi graves que le génocide, seul le respect de cette vérité peut guider vers la réconciliation et l'unité véritables, loin des mensonges qui continuent d’alimenter la division.
Les obstacles au procès de Charles Onana
Le soutien d’une certaine élite française et onusienne
L’un des premiers obstacles dans cette affaire réside dans le soutien tacite, voire explicite, de certaines figures influentes au sein de la classe politique française et des institutions internationales comme l’ONU. Jean-Pierre Lacroix, l'actuel secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de maintien de la paix, est notamment cité parmi ceux qui auraient joué un rôle dans l’opération Turquoise, une mission militaire française controversée lancée pendant le génocide des Tutsi au Rwanda par les Hutu.Cette opération, qui prétendait instaurer une zone humanitaire sûre, a été critiquée pour avoir, au contraire, permis à de nombreux responsables du génocide de fuir vers le Congo. Lacroix et d’autres hauts dignitaires français sont perçus par certains comme des soutiens discrets de Charles Onana, cherchant à éviter une condamnation qui pourrait ternir leur propre réputation et celle de la France.
Un procès se déroulant en France, terre des thèses révisionnistes
Le fait que le procès ait lieu en France, un pays qui a longtemps été accusé d’être impliqué dans le génocide des Tutsi de 1994, constitue un autre frein. Une certaine presse française, qui a largement inspiré les thèses de Charles Onana, continue de défendre des points de vue révisionnistes ou négationnistes sur le rôle de la France dans cette tragédie. Pour beaucoup, cette situation laisse penser que le procès pourrait être biaisé, permettant à Onana d’être acquitté et de légitimer ses théories qui nient la réalité des événements ou minimisent les responsabilités françaises.
La manipulation du procès par les propagandistes congolais
Un autre obstacle notable est l’implication de certains acteurs politiques en RDC qui cherchent à instrumentaliser le procès de Charles Onana pour justifier leur agenda et leurs propres thèses négationnistes. La RDC, sous l’influence de propagandistes hostiles à la communauté tutsi, pourrait utiliser un éventuel acquittement d’Onana comme une validation de leurs théories anti-Tutsi. Ces discours alimentent la violence et la haine ethnique dans l’Est de la RD Congo, où les Tutsis, en particulier les Banyamulenge, sont régulièrement persécutés et accusés d’être des envahisseurs étrangers. Ils ont également été la cible des élucubrations de l’auteur camerounais dans son dernier livre intitulé Holocauste au Congo: L'Omerta de la communauté internationale. N’ayant ni pouvoir, ni voix, ni expérience juridique, et étant concentrés sur leur survie quotidienne, les Banyamulenge n’ont même pas pu déposer plainte contre Onana. C’est d’image et c’est une faille! Dans cette optique, la validation des thèses de Charles Onana servirait à renforcer l’argumentaire de ceux qui nient les violences systématiques contre les Tutsis dans la région.
La difficulté d’obtenir une condamnation dans un climat hostile
Il est également important de souligner que la condamnation de Charles Onana est peu probable dans un contexte où il bénéficie d’un large soutien de la part de certaines élites françaises et internationales. En outre, les accusations portées contre lui sont souvent minimisées sous prétexte qu’il ne ferait que relayer les témoignages d’acteurs ayant participé à l’opération Turquoise. Pourtant, ces témoignages proviennent de personnes directement impliquées dans des actions condamnables, ce qui jette le doute sur la véracité des faits rapportés par Onana. Une condamnation nécessiterait une reconnaissance claire du rôle de la France dans le génocide Tutsi rwandais, un sujet encore très sensible et difficile à aborder dans les instances judiciaires françaises.
Les conséquences d’un éventuel acquittement
Si Charles Onana est acquitté, cela entraînerait des conséquences graves non seulement pour la reconnaissance du génocide des Tutsi au Rwanda, mais aussi pour la situation similaire en RDC. Un acquittement pourrait être perçu comme une légitimation des discours de haine et de négationnisme propagés par certains responsables politiques congolais. Ces derniers pourraient alors intensifier leurs attaques contre les communautés tutsie du Congo, aggravant un climat de violence déjà tendu dans les régions du Kivu. En effet, ces discours servent de justification à la persécution des Tutsis, et leur validation au travers d’un procès biaisé pourrait renforcer l’impunité des responsables de ces crimes.
L’espoir dans l’indépendance de la justice française
Face à ces obstacles, l’unique espoir réside dans l’indépendance de la justice française. Bien que le climat autour de ce procès soit lourd de tensions politiques, la justice française a montré par le passé sa capacité à condamner des individus en dépit de pressions extérieures. Si les juges peuvent rester impartiaux et ne pas céder aux influences politiques ou diplomatiques, il est possible d’espérer une condamnation de Charles Onana pour ses thèses négationnistes. Cela constituerait une victoire importante pour la vérité historique et pour les victimes du génocide de Tutsi au Rwanda et en RDC, tout en envoyant un message clair à ceux qui cherchent à réécrire l’histoire pour justifier la haine et les violences.
En conclusion, le procès de Charles Onana est plus qu’un simple cas judiciaire ; il symbolise la lutte contre le négationnisme et la révision de l’histoire dans le but de perpétuer des discours haineux. Les obstacles à une condamnation sont nombreux, mais l’espoir réside dans une justice capable de résister aux pressions politiques et d’assurer que la vérité prévale sur les mensonges et les manipulations.
Le 11 oct 2024
Paul Kabudogo Rugaba
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