La récente attaque perpétrée contre l'hôpital de Minembwe et les exactions qui l'ont accompagnées soulèvent une fois de plus des questions sur la responsabilité et le rôle des leaders politiques face à une crise humanitaire et sécuritaire. Alors que le député Rukema venait de faire une déclaration négationniste pour tenter de justifier l'injustifiable, hier, le 20 janvier 2025 une nouvelle tragédie s’est produite dans son propre fief à Minembwe.
Dans un acte de barbarie inimaginable, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) ont vandalisé et saccagé l'hôpital de Minembwe. Les femmes en cours d'accouchement ont été contraintes de fuir dans la brousse, mettant en danger leur vie et celle de leurs nouveau-nés. Les médicaments ont été pillés ou détruits, tandis que les lits de l'hôpital ont été transformés en bois de chauffage pour alimenter les cuisines militaires. Cet acte odieux prive une population déjà vulnérable de tout accès aux soins de santé.
La violence ne s’est pas arrêtée aux portes de l'hôpital. Les maisons des habitants ont été systématiquement pillées, et plus d’une dizaine d’entre elles ont été incendiées. Les habitants, contraints de fuir, errent dans la brousse sans protection ni assistance, exposés à des conditions de vie extrêmement précaires. Bien que des morts et des blessés aient été signalés, l’absence de communication fiable avec ceux qui se cachent dans la forêt rend impossible une estimation précise des pertes humaines.
Parallèlement, l’école EVOMI, qui accueillait plus de 1 000 élèves, a été transformée en camp militaire. Cet acte symbolise non seulement une privation du droit à l’éducation, mais aussi une atteinte directe aux efforts de reconstruction et de réconciliation dans la région. Les enfants, déjà traumatisés par la violence, sont maintenant privés de leur avenir.
Le commandant Pacifique Masunsu, à la tête de la 3ème zone de défense, aurait le pouvoir de stopper cette escalade de violence d’un simple ordre. Cependant, au lieu de chercher à protéger les civils, il semble être l’artisan de ces attaques systématiques. Ces actes s’inscrivent dans le cadre d’une opération d’épuration ethnique baptisée « Fimbo », un plan que de nombreux observateurs avaient déjà dénoncé avec des preuves à l’appui. Il est désormais clair que cette opération vise l'extermination des Banyamulenge et le déplacement forcé de cette communauté.
Pendant que les Banyamulenge subissaient cette tragédie, le député Rukema est à Kinshasa, défendant une position qui ne reflète ni ses convictions personnelles ni la réalité sur le terrain. Prisonnier d’un système oppressif, Rukema semble répéter des paroles dictées pour plaire au régime en place. Une erreur de sa part pourrait lui coûter sa liberté, voire sa vie. Cependant, son silence et ses justifications creuses ne font qu’alimenter la colère et la frustration d’une population déjà à bout.
Ironiquement, cette intensification des attaques survient à un moment où les communautés locales semblaient amorcer un processus de réconciliation. Les marchés avaient récemment repris, et un fragile espoir de paix émergeait. Malheureusement, ces efforts sont aujourd’hui réduits à néant par une stratégie militaire qui préfère la destruction à la construction.
Twirwaneho : Une Réponse d’Autodéfense et Non un Groupe Armé
Le terme Twirwaneho est souvent mal interprété et présenté comme un groupe armé par certains observateurs et institutions. Cependant, pour les Banyamulenge, Twirwaneho est avant tout un concept générique qui signifie simplement « autodéfense ». Ce terme incarne leur résolution de se protéger face à des menaces constantes, une nécessité imposée par des décennies d'hostilités.
L’idée de Twirwaneho n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans une longue histoire de survie et de résistance remontant à 1965, lorsque Vieux Mushishi a courageusement opposé une résistance aux rebelles mulelistes de l'époque. Depuis lors, cette nécessité de se défendre a traversé les générations, jusqu’à aujourd’hui et probablement jusqu’à leurs petits-enfants.
Les attaques systématiques contre les Banyamulenge, particulièrement depuis 2017, ont conduit à la formation de structures d’autodéfense communautaire sous le nom de Twirwaneho. Il est crucial de rappeler que ce mouvement est une réaction directe aux menaces existentielles et non une initiative offensive.
Twirwaneho concerne tous les Banyamulenge, quelle que soit leur profession ou leur emplacement. C’est une responsabilité collective de survie face à une haine et une guerre qui n’ont cessé de les cibler. Bien qu’il puisse y avoir des divergences d’approches au sein de la communauté, l’autodéfense demeure une priorité commune à tous.
La question fondamentale, cependant, reste irrésolue : celle de la discrimination systémique contre les Banyamulenge. Depuis des décennies, la communauté Banyamulenge fait face à un traitement inégal qui empêche de jouir des mêmes droits que les autres Congolais. Ce problème profond est à l’origine de tensions et de conflits dans les Hauts-Plateaux.
Une Discrimination Persistante
Au Congo, les Banyamulenge sont privés du droit de critiquer ou de s’opposer à quoi que ce soit. S’ils expriment leur opinion politique et qu’ils dénoncent la persécution dont ils sont victimes, ils sont rapidement taxés de propagandistes et d’ennemis du pays. Pourtant, d’autres Congolais jouissent librement de ces droits sans être inquiétés. Pourquoi cette discrimination ciblée ?
En outre, les accusations injustes portées contre ladite communauté – notamment de coopérer avec le Rwanda – ont conduit à des décisions erronées, telles que l’envoi de forces armées pour les combattre. Ces actions sont basées sur des mensonges et alimentent une confusion qui aggrave leur marginalisation.
En 2022, des représentants des Twirwaneho ont participé au processus de Nairobi, signant un accord avec le gouvernement congolais. Cependant, ce processus n’a pas résolu leurs problèmes. Alors que d’autres groupes armés, toujours responsables d’attaques contre les Banyamulenge, ont été intégrés dans les reservistes de l’armée nationale, leur communauté reste exclue.
Le gouvernement congolais semble préférer ignorer les Hauts-Plateaux et refuser une reconnaissance égale à leur communauté. L’exemple le plus flagrant est la suppression du statut de commune pour Minembwe, une décision prise par le président Tshisekedi après des rencontres où il avait pourtant affirmé que les Banyamulenge n’étaient pas des ennemis de la patrie.
Le problème fondamental de l’exclusion et de la discrimination reste entier. C’est pourquoi ils continuent à demander un débat nationale pour aborder ces questions de manière honnête et inclusive. Ils espèrent que de telles discussions permettront de trouver des solutions durables et équitables pour tous les Congolais, y compris les Banyamulenge.
Pacifique Masunzu et Rukema levi devraient savoir que Twirwaneho n’est pas un groupe armé, mais une expression de la détermination de Banyamulenge à survivre et à protéger leur communauté. Face à des décennies de persécution et de discrimination, ils continueront à plaider pour une reconnaissance égale, des droits fondamentaux et une place légitime dans leur pays. Les Banyamulenge ne sont pas des ennemis du Congo. Ils sont des citoyens qui réclament simplement justice, dignité et égalité.
Le 21 janvier 2025
Paul Kabudogo Rugaba
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