Depuis trois ans, la communauté Banyamulenge, dans les Hauts et Moyens-Plateaux de Mwenga, Fizi et Uvira est à la merci de la calamiteuse coalition de la milice MAI-MAI et groupes rebelles étrangers dont le Red-Tabara, le Forebu et le FNL-Palipehutu. Les dégâts humains et matériels observés à ce jour sont inestimables. Les cris d’alarme des Banyamulenge et leurs appels au secours à l’endroit des autorités compétentes sont comparables à un robinet qui alimente une citerne fissurée, et donc incapable de retenir l’eau.
Si les Banyamulenge se savaient infligés la souffrance par les MAI-MAI et leurs alliés, ils peuvent désormais se rendre à l’évidence que ces MAI-MAI et alliés sont loin d’être les seuls acteurs du projet. Ce constat s’illustre à travers les faits ci-dessous :
La décision du Conseil des Ministres
Dans le compte-rendu de la 40ème réunion du conseil des ministres tenue le 17/07/2020, on peut lire entre-autres résolutions, je cite « la détermination des Forces Armées Congolaises à mettre fin à l’activisme des groupes armés GUMINO, TWIRWANEHO et ANDROÏD, à Mwenga, Fizi et Uvira, dans le Sud-Kivu ». Il s’agit pour ces groupes, des forces d’autodéfense Banyamulenge contre les miliciens MAI-MAI.
Dans ce compte-rendu, force est de constater que la reunion du conseil des ministres n’a pas fait allusion aux MAI-MAI qui écument dans ces trois territoires précités. Histoire de laisser croire que ces derniers étaient devenus une brigade intégrée de FARDC, et donc plutôt soumis à ses ordres et déployés dans cette partie du pays pour la cause. Ce n’est probablement pas étonnant si l’on en croit au discours d’un des chefs MAI-MAI Ebuela (largement partagé à travers les réseaux sociaux) prétendant que les visées des MAI-MAI sont similaires, si pas identiques à la mission et aux objectifs assignés aux FARDC.
En effet, le ciblage sélectif, par le conseil des ministres des groupes armés d’obédience Banyamulenge est une curiosité !
Dans ce même compte-rendu pourtant, on fait mention de la reddition de quelques éléments « de la milice MAI-MAI » à Kishunguti, dans le territoire de Kalehe. N’est-il donc pas curieux de voir le gouvernement reconnaitre les MAI-MAI de Kalehe comme une milice, et de ne pas en faire cas lorsqu’il s’agit des MAI-MAI de Mwenga, Fizi et Uvira ? Par cette omission préméditée, les MAI-MAI de Mwenga, Fizi et Uvira ne se voient-ils pas assurés ouvertement de l'indéniable soutien de la part du gouvernement dans leur meurtrière entreprise contre les populations civiles Banyamulenge ?
2. Le communiqué des FARDC du 19 juin 2020
En date du 19 juin 2020, l’État-major général des FARDC a publié un communiqué officiel à l’endroit des groupes armés opérant dans les territoires de Mwenga, de Fizi et Uvira, dans la province du Sud-Kivu. Dans ce communiqué signé par le Général Major Kasonga Cibangu Léon-Richard et porte-parole des FARDC, une ferme mise en garde est adressée intentionnellement et de manière sélective aux seuls et uniques « groupes armés membres d’une même ethnie ». Par groupes armés membres d’une même ethnie, on sous-entend, sans équivoque, les Banyamulenge.
Ce communiqué, tombé comme un verdict sévère a laissé plus d’inquiétude que de certitude dans les milieux de Banyamulenge. Ces derniers s’interrogent sur le message que voulait faire passer l’Etat-major général des FARDC si ce n’est qu’un acte à double effet cruel ; d’une part, l’anéantissement de la désormais force de protection de Banyamulenge, et d’autre part, une main forte prêtée à leurs détracteurs MAI-MAI et alliés. Avec ce verdict, les FARDC semblent vouloir imposer une application normale du droit. Mais en réalité, elles planifient de l’imposer de manière totalement anormale dès lors que celle-ci ne s’applique qu’à un seul groupe armé parmi une multitude opérant dans la même circonscription géographique.
En effet, si tous les groupes armés se doivent d’être logiquement considérés comme illégaux et qualifiés par les FARDC de « hors-la-loi », seuls les groupes d’obédience Banyamulenge, (par ailleurs constitués par obligation d’autodéfense en l’absence totale des services de défense et sécurité de l’Etat) sont confrontés à la rigueur de la loi, et donc de FARDC.
3. La réaction de députés du Sud-Kivu
Bien de mémorandums et lettres de doléances de la part de la communauté Banyamulenge en détresse depuis avril 2017 à nos jours, ont été adressées aux élus nationaux et provinciaux. Ils sont restés lettres mortes et n’ont guère dérangé le sommeil des illustres députés ! Même le discours incendiaire contre les Banyamulenge par l’honorable BULAKALI, le député provincial, lors de son passage dans le territoire de Fizi en novembre 2019 n’a suscité la moindre attention de la part de ses collègues députés.
L’alerte de députés du Sud-Kivu, assortie de grande fébrilité sur les violences dans les trois territoires précités n’est intervenue/publiée qu’en date du 20/07/2020, moins d’une semaine après l’opération menée à Kipupu/Ipupu par le groupe Twirwaneho. Et ce, pour récupérer les vaches razziées par les MAI-MAI dans le village de Kalingi/Alingi, dans la zone de Mwenga. Une opération qui ouvra ainsi la boîte de Pandore ! Les combattants MAI-MAI qui se déclarent victimes civiles de l’opération de Kipupu ont crié et alerté l’opinion, tant nationale qu'internationale sur la défaite leur infligée par le groupe Twirwaneho. Dès lors, les cœurs sensibles de nos honorables députés ont été touchés à fond ; leurs ailes de défense de la base prenant désormais du vent en poupe et de vivacité sans précédent !
On peut donc déduire de cette alerte qu’aux autres communautés, ou tout au moins aux MAI-MAI, il est donné le privilège de faire entendre leur voix et d’avoir gain de cause. Tandis qu’aux Banyamulenge, ce privilège n’est pas donné ! Sinon, comment expliquer cette étonnante indifférence de la part des élus du peuple ? Où étaient-ils passés depuis le début des opérations macabres de destruction des villages Banyamulenge et pillages systématiques de leurs biens par les MAI-MAI ? Comment expliquer que depuis 2017, comme s’il s’agissait d’un consensus, tous les députés du Sud-Kivu aient carrément et simplement oublié leur devoir d’agir pour l’intérêt local des communautés de territoires concernés ?
4. L’absence d’assistance humanitaire pour les déplacés internes
Le Sud-Kivu est l’une des provinces de la RDC ou la présence des organisations humanitaires est largement observée. Cependant, force est de constater que les déplacés internes Banyamulenge, cantonnées dans la zone de Minembwe et ses environs souffrent cruellement de manque d’assistance humanitaire. Ils sont abandonnés à leur triste sort ! Les concernés sont en droit de s'interroger sur cette indifférence manifeste de la part des organisations humanitaires vis-à-vis de leur souffrance ! Pourtant, le respect des principes d’humanité, d’impartialité et de neutralité est le slogan de toutes les organisations à vocation humanitaire. Il est même énoncé dans leurs statuts !
C'est donc à se demander si toutes ces organisations humanitaires à pied d’œuvre au Sud-Kivu estiment que les critères d’assistance humanitaires en faveur des déplacés Banyamulenge ne sont pas remplis ! Ou alors, lorsqu’une situation d’urgence résultant de conflits concerne la communauté Banyamulenge, les attributions des fournisseurs d’assistance humanitaire changent !
De tout ce qui précède, il y a lieu de croire que les acteurs dans l’entreprise d’épuration de la race Banyamulenge ainsi que leur déracinement des Hauts et Moyens-Plateaux de Mwenga, Fizi et Uvira sont multiples et au-delà des seuls MAI-MAI et alliés !
Sinon, ne faudra-t-il pas désormais que tous les citoyens congolais soient logés à la même enseigne et bénéficient d'un traitement équitable ! Les autorités compétentes devraient se montrer impartiales et extrêmement attentives aux cris d’alarme de leurs administrés.
Kinshasa, le 25 juillet 2020.
Mukulu Le patriote.
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