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La Guerre à l’Est de la RDC : Une Vérité Coloniale Ignorée

Paul KABUDOGO RUGABA

La guerre qui déchire l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) ne date pas d’hier. Ses racines plongent profondément dans l’histoire coloniale, une période marquée par des injustices et des divisions artificiellement créées par la Belgique. Pourtant, ce point crucial est souvent balayé sous le tapis lors des négociations de paix. Pour résoudre durablement le conflit, il est impératif de remonter à ces origines historiques, même si cela implique d’affronter des vérités douloureuses.

La colonisation belge a laissé derrière elle une société fracturée, où les rivalités ethniques ont été exacerbées pour servir des intérêts coloniaux. Ces divisions, soigneusement entretenues, ont jeté les bases des discriminations et des conflits qui sévissent encore aujourd’hui. Les cicatrices de cette période sont visibles dans les tensions communautaires, les injustices systémiques et le sentiment de marginalisation ressenti par certaines populations.

Cependant, lors des discussions sur la paix, ce lourd héritage est rarement pris en compte. La Belgique, en tant qu’ancien colonisateur, a une responsabilité historique : non pas de choisir un camp pour préserver ses intérêts économiques et politiques actuels, mais de contribuer à mettre en lumière ces vérités historiques. La vérité, bien qu’amère, est indispensable pour briser le cycle de violence qui ensanglante quotidiennement l’est de la RDC.


Des négociations biaisées et inefficaces

Les appels à la reprise des négociations sont nombreux, mais qu’impliquent réellement ces pourparlers ? Si le seul objectif est de demander au M23 de reculer, cela revient à ignorer la complexité du conflit. On ne peut négocier avec des parties qui prônent l’éradication ou le déracinement total d’un peuple, comme le font certaines autorités de Kinshasa. Cette posture ne laisse aucune place à une paix véritable.

Refuser de reconnaître l’existence d’un peuple, nier son droit à appartenir à une nation, c’est déjà entamer un processus de destruction identitaire. Cette stratégie de négation s’observe dans les discours officiels et les politiques adoptées à l’égard des Tutsi de la RDC et des Hema. Ces communautés sont régulièrement stigmatisées, exclues et présentées comme des étrangers sur leurs propres terres.

Les Banyamulenge, par exemple, font face à une remise en question systématique de leur identité congolaise. Bien que présents sur les Hauts Plateaux depuis des siècles, ils sont souvent qualifiés de “Rwandais” par les autorités et une partie de l’opinion publique. Les Tutsi du Nord-Kivu et les Hema de l’Ituri subissent des traitements similaires, réduits à des boucs émissaires dans une guerre qui dépasse largement les simples conflits communautaires.

Le problème des négociations actuelles est qu’elles reposent sur des bases erronées, des fausses prémices qui conduisent inévitablement à des solutions inefficaces. Ces accords, souvent superficiels, ne répondent pas aux réalités du terrain ni aux aspirations des populations affectées.

L’hypocrisie des acteurs politiques, qu’ils soient nationaux ou internationaux, ne fait qu’aggraver la situation. Ceux qui soutiennent un camp aujourd’hui et s’indignent demain face à une crise humanitaire sont complices d’un statu quo meurtrier. Pourtant, cette crise n’est pas nouvelle : elle est le fruit d’un système défaillant et d’une indifférence prolongée. Ce qu’il faut, ce n’est pas clamer l’urgence d’une crise, mais travailler à y mettre définitivement fin.


Une voie pour sortir du cercle vicieux

Pour sortir de ce cycle de violence, il faut regarder le problème en face. La discrimination, l’injustice et la corruption, qui gangrènent la RDC et qui sont institutionnalisées depuis plusieurs décennies, doivent être combattues avec fermeté. Cela passe par des réformes structurelles, mais aussi par une reconnaissance du rôle historique de la colonisation dans la genèse de ces maux.

La paix durable en RDC ne peut se construire sur des compromis biaisés ou des solutions de façade. Elle nécessite un dialogue honnête, basé sur la vérité historique, la justice et l’égalité. La Belgique, tout comme la communauté internationale, doit s’engager avec intégrité dans ce processus. Ce n’est qu’en affrontant les origines profondes du conflit que l’on pourra espérer tourner la page de cette tragédie humanitaire.

Le temps est venu d’abandonner l’hypocrisie, de reconnaître les torts du passé et de travailler à une solution qui répond aux réalités du terrain. La paix à l’Est de la RDC ne pourra être atteinte qu’en brisant les chaînes de l’histoire et en reconstruisant un avenir sur des bases justes et équitables.

 

Le 28 janvier 2025

Paul Kabudogo Rugaba

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