top of page
Rechercher
Paul KABUDOGO RUGABA

L'Évolution des Églises Protestantes : De la Communion Universelle à la Concurrence Effrénée


Autrefois, dans les Hauts-Plateaux, toutes les communautés chretiennes pouvaient communier librement, à l'exception des catholiques qui étaient mises à part. Que ce soit ceux qui ont été évangélisés par les méthodistes ou les pentecôtistes, qu'ils soient par les Suédois ou par les Norvégiens, tous se reconnaissaient comme chrétiens protestants. Il n'y avait pas de barrière. Au cours de l’année, les fêtes (Umukutano, pluriel Imikutano= assemblée) étaient organisées ensemble, et tout le monde se tenait la main dans la main.  Les évangélistes et les pasteurs effectuaient leur travail gratis pro Deo, sans salaire, vivant comme tout le monde.

Cependant, le départ massif en exil de la communauté Banyamulenge vers les pays limitrophes a révélé une nouvelle réalité : les pasteurs pouvaient gagner des salaires. C’est à ce moment-là que l'on a vu les pasteurs embrasser différentes communautés religieuses, les plus offrantes attirant naturellement plus de pasteurs. Certains ont même pris l'initiative de créer leurs propres églises, appelées ministères et églises de réveil.

Avec le temps, ces nouvelles structures sont devenues de véritables entreprises familiales lucratives pour leurs fondateurs. Les titres prestigieux sont distribués généreusement. Le népotisme et les finances sont devenus des principes de base tacites mais très actifs. Ainsi, des églises qui étaient autrefois des associations sans but lucratif sont devenues des entreprises privées orientées, de manière discrète, vers le profit, conduisant à une concurrence effrénée pour la conquête des fidèles. Cette conquête ne vise plus les non-croyants, mais plutôt les fervents déjà convertis et   se concentre plutôt sur les grandes villes et les centres de négoce ou il y a déjà beaucoup d’églises.

Dans cette nouvelle dynamique, avoir des comptes en banque bien alimentés est souvent perçu comme un signe de bénédiction divine. Ceux qui réussissent financièrement ne tardent pas à vanter, à travers des témoignages lors des prédication, les privilèges qu’ils reçoivent de Dieu. Dans pareil ambiance, il suffit d'envoyer en mission quelqu'un dans un milieu pauvre pour provoquer un conflit pouvant conduire à des dissensions et divisions internes au sein de l'église. Le bien-être matériel et la vie facile sont tellement recherchés au point que certains responsables de congrégations vont même jusqu'à exiger un mode de vie privilégié supérieur à celui des fidèles dont ils dépendent. Pourtant, la vie chrétienne prend de la valeur lorsqu'on l'offre aux autres, et non l'inverse.

Il est préoccupant de constater que de nombreux fidèles passent des journées entières à réciter des passages historiques de la Bible et à exalter les hauts faits des ancêtres juifs comme s'ils étaient les leurs. Cette routine, malheureusement, suffit souvent pour faire d'eux des pasteurs. Pourtant, il n’y a pas de pire avilissement que de passer toute sa vie à raconter ce que les autres ont fait sans jamais vouloir faire de même. La situation actuelle des Banyamulenge leur offre pourtant l'occasion de devenir les Moïse ou les David dont ils parlent tant. Ce que ces patriarches juifs ont fait, ils ont combattu pour leur peuple menacé. un bel exemple de sacrifice. Malheureusement, une jeunesse sous l'emprise des sectes des églises protestantes affiche une passivité qui nuit à la défense de leur communauté. Ils attendent des miracles. Cette communauté n'aura pas d'avenir certain tant qu'elle n'aura pas changé sa façon de voir les choses.

Il est crucial de comprendre que ceux qui attendent l'arrivée de David ou de Moïse pour les défendre se trompent énormément. Ceux qui prendront les armes pour se défendre deviendront ces héros. La jeunesse banyamulenge doit comprendre que son devoir primordial est de se défendre et de défendre les siens, même s'il faut utiliser les dents pour cela ou en payer le prix. L’honneur est inhérent à la vie humaine et la légitime défense est un droit inaliénable.

Ceux qui craignent de se battre sous pretexte de pecher, par voie de conséquence, ont peur d'une punition divine, doivent comprendre que Dieu les punira tout de même, pour s’être laissé mourir et pour avoir abandonné les leurs en détresse. Ne pas utiliser son droit inaliénable de légitime défense quand on en a les moyens est un acte de suicide, doublement punissable, d'abord devant Dieu et ensuite devant les hommes. Car celui qui se laisse mourir par peur d'être puni par Dieu sera puni comme celui qui s'est suicidé.


Les Conséquences Prévisibles de la Nouvelle Orientation des Églises


La récente transformation des églises protestantes en entreprises familiales lucratives a engendré des conséquences alarmantes et prévisibles. Cette évolution a conduit à la prolifération de petites sectes, rendant le paysage religieux de plus en plus fragmenté. Il n’est pas rare de constater qu'il existe autant d'églises qu’il y a de familles ou de clans, chacune cherchant à imposer son propre leadership spirituel.


a)La Nature Familiale des Nouvelles Églises: La nature familiale et clanique de ces nouvelles églises crée des difficultés d’intégration majeures. Contrairement à l’esprit universel de la foi chrétienne, ces églises sont devenues des entités fermées, favorisant le népotisme et la domination de lignées spécifiques. Cette orientation exclusive empêche une véritable communion spirituelle et sociale et entraîne une désintégration de la communauté chrétienne au sens large.

Les dimanches, on observe des va-et-vient incessants des fidèles parcourant des kilomètres pour rejoindre une église spécifique, laissant derrière eux d’innombrables églises de même confession. Ils se rendent chez ceux auxquels ils se sentent appartenir ( Twe turi abo kwa runaka= "nous appartenons à tel"). On voit fréquemment surgir, dans les quartiers, des bivouacs en tôle rouillé ou des tentes délabrées en plastique , communément appelées "shitingi", portant des noms de villages de l'Israël antique. À l'intérieur, de véritables fournaises – ou plutôt des mini-enfers – qui accueillent régulièrement une dizaine de personnes, généralement des femmes et des enfants, sous la direction de deux ou trois hommes. Ils utilisent souvent des synthétiseurs connectés à des amplificateurs de grande puissance qui brisent les tympans, ce qui soulève la question de la nécessité d'un tel arsenal acoustique pour un nombre si limité de fidèles


b) L'Émergence de Leaders sans Vocation: Dans une communauté privée de tout exercice du pouvoir et longtemps étouffée dans ses ambitions, l'émergence de nouveaux ambitieux politiques sous l’apparence de responsables religieux est très probable. Ces leaders, souvent dépourvus de vocation et de formation théologique, transforment les églises en plateformes de diffusion de préceptes qui ne sont ni bibliques ni théologiques, pouvant être interprétés comme un défoulement de sentiments de privation d’une passion manquée. Arrivés au pouvoir par des moyens claniques pour se tailler une parcelle d’autorité, ils manquent de la profondeur spirituelle nécessaire pour guider leurs fidèles correctement. Ils privilégient souvent des interprétations erronées et des doctrines douteuses, contribuant ainsi à la désorientation des croyants. Certains vont même à définir à leurs grés, ce qui est péché et ce qui ne l’est pas. C’est ainsi que l’on peut trouver une pratique considérée comme péché dans une communauté et tolérée dans une autre alors que les deux se reconnaissent être dans une même religion.


c) La Quête de Profit au Détriment de la Mission Spirituelle: La transformation des églises en entreprises familiales lucratives a instauré un environnement où la quête de profit et la domination priment sur la mission spirituelle. Cette quête de richesse personnelle détourne les églises de leur mission première : servir la communauté avec humilité et dévouement. En conséquence, les fidèles sont de plus en plus perçus comme des sources de revenus plutôt que comme des âmes à guider.


d) Les Conflits et la Fragmentation: Les conflits sont fréquents, entraînant des segmentations. C’est le "ôte-toi que je m’y mette, si non, il faut tout démolir". C’est un véritable "biloze bishambuke" au sein des églises.». Dans cette bousculade des uns et des autres, ce sont les plus agressifs, les plus bruyants et les plus éloquents qui prennent le dessus. La fragmentation de la communauté chrétienne s’accentue, chaque groupe cherchant à établir son propre territoire spirituel.

En somme, la transformation des églises protestantes en entreprises familiales lucratives pose de sérieux problèmes pour l'intégrité et l'unité de la communauté chrétienne. Cette évolution, axée sur la quête de pouvoir et de richesse, menace de détourner les églises de leur mission spirituelle et de fragmenter encore davantage le paysage religieux.


Conclusion et recommandations

Il est impératif de revenir aux valeurs fondamentales de la foi chrétienne, où le service aux autres et l'humilité sont au cœur de la mission pastorale. La religion ne doit pas devenir un simple outil de profit personnel. Pour éviter cette dérive, les églises doivent réaffirmer leur engagement envers les principes bibliques et théologiques authentiques, et former des leaders spirituels véritablement dévoués à leur mission.

La vie chrétienne ne doit pas se limiter à la récitation de faits passés mais doit inspirer à l'action. La communauté banyamulenge, en particulier, doit se réveiller de cette torpeur religieuse et réaliser que la défense active de leurs droits et de leurs vies est non seulement légitime, mais aussi impérative. Embrasser cette responsabilité est crucial pour assurer un avenir sûr et digne pour eux-mêmes et pour les générations futures.

En conclusion, la communauté banyamulenge et, plus largement, toutes les communautés affectées par cette nouvelle orientation des églises doivent se mobiliser pour restaurer l'intégrité de leur foi. Seule une redécouverte des valeurs fondamentales du christianisme permettra de contrer les effets délétères de cette transformation et de guider les fidèles vers une véritable communion spirituelle et sociale.


Paul Kabudogo Rugaba

le 18 juin 2024

149 vues0 commentaire

Comments


bottom of page