Lorsqu’une nation fait face à une crise, il est naturel pour ses dirigeants de chercher des explications pour apaiser les tensions internes. Cependant, dans la République Démocratique du Congo (RDC), cette quête se transforme souvent en une campagne populiste visant à désigner un bouc émissaire extérieur. Le Rwanda, et en particulier son président Paul Kagame, devient alors la cible favorite des accusations, notamment concernant les massacres et persécutions des Banyamulenge, une communauté tutsi vivant dans les Hauts-Plateaux du Sud-Kivu. Cette analyse vise à déconstruire ces discours populistes et à exposer la vérité derrière ces accusations.
Un Scénario Hypothétique : La Manipulation des Accusations
Supposons, pour mieux analyser cette situation irrationnelle, que Félix Antoine Tshisekedi, actuel président de la RDC, demande à Paul Kagame, président du Rwanda, de massacrer une partie de sa propre population. Une telle demande, aussi absurde qu'inacceptable, soulève immédiatement une question de bon sens : Kagame accepterait-il d'exécuter un ordre aussi immoral et illogique ? La réponse est catégorique : non. Même sous la pression d'une grande puissance, Paul Kagame, un dirigeant pragmatique et calculateur, n'accepterait jamais de prendre une telle décision.
Pourquoi alors certains croient-ils si facilement aux discours accusant le Rwanda d’être responsable des massacres contre les Banyamulenge ? Si cela était vrai, pourquoi les dirigeants de la RDC exécuteraient-ils de tels ordres ? Sont-ils si naïfs ou dépourvus de jugement pour accepter une telle aberration ?
La réalité est claire : ceux qui tuent les Banyamulenge dans les Hauts-Plateaux ne sont pas des Rwandais. Il s’agit plutôt des Forces Armées de la RDC (FARDC) et des milices Mai-Mai, principalement issues des communautés Babembe, Bafuliro, Banyindu et Bavira. Ces acteurs internes, et non un voisin étranger, portent la responsabilité directe des violences, des massacres et des déplacements subis par les Banyamulenge.
Cette question met en lumière un élément crucial : les accusations portées contre le Rwanda et Kagame relèvent d’une stratégie politique congolais interne, détournant l’attention des responsabilités locales. Le vrai débat, lui, est soigneusement évité.
Une Réalité Crue : Les Décisions de Démocide sont Internes
Les persécutions et massacres visant les Banyamulenge sont loin d’être un phénomène nouveau. Ils ne sont ni l’œuvre du Rwanda ni d’un quelconque pouvoir extérieur. Il s’agit d’une réalité enracinée dans l’histoire politique congolaise.
Depuis l’époque coloniale, les chefs traditionnels Banyamulenge ont été marginalisés par l’administration belge, qui a supprimé leur chefferie pour renforcer sa domination. Cette marginalisation a posé les bases d’une exclusion systématique qui s’est poursuivie bien après l’indépendance. En 1964, la rébellion Mulele a marqué un tournant tragique avec des massacres ciblés contre cette communauté. Sous le régime de Mobutu Sese Seko, les Banyamulenge ont continué de faire l’objet d’une discrimination ouverte, assimilés à des « étrangers » malgré des siècles de présence sur les Hauts-Plateaux.
Les régimes successifs, de Laurent-Désiré Kabila à Joseph Kabila, ont maintenu cette politique d’exclusion et de persécution, sous des prétextes divers. Aujourd’hui, sous Félix Tshisekedi, la situation s’est aggravée, avec des attaques coordonnées par des groupes armés, souvent avec la complicité des Forces Armées de la RDC (FARDC). Ces faits sont bien documentés, mais plutôt que d’assumer leurs responsabilités, les autorités congolaises préfèrent accuser le Rwanda.
La Facilité du Bouc Émissaire : Une Armes Politique
Accuser un pays voisin comme le Rwanda est une stratégie vieille comme le monde. Elle permet aux dirigeants de détourner l’attention des échecs internes : corruption, mauvaise gouvernance, incapacité à protéger les citoyens et à instaurer un État de droit. Le Rwanda, sous la direction de Kagame, est devenu un symbole de réussite dans une région troublée, ce qui le rend d’autant plus facile à diaboliser.
Pour les dirigeants congolais, blâmer Kagame pour les malheurs du pays est une manière commode de se dédouaner. Mais cette posture populiste a un coût : elle alimente la haine intercommunautaire et perpétue les cycles de violence. Les Banyamulenge, en tant que Tutsi congolais, se retrouvent ainsi pris entre deux feux. D’un côté, ils sont exclus par l’État congolais, et de l’autre, ils deviennent les victimes indirectes d’un narratif anti-rwandais qui les assimile injustement à un « ennemi extérieur ».
Le Poids de l’Histoire : Les Banyamulenge Avant Kagame
Un argument souvent avancé par les détracteurs est que la présence des Banyamulenge en RDC serait une conséquence des politiques de Paul Kagame ou du Rwanda moderne. Rien n’est plus faux. L’histoire des Banyamulenge précède largement la naissance de Kagame. Ces communautés pastorales vivent sur les Hauts-Plateaux depuis plusieurs siècles. Leur identité culturelle, leurs traditions et leur attachement à la terre sont profondément ancrés dans cette région.
Accuser Kagame ou le Rwanda d’être à l’origine des tensions ethniques en RDC relève donc d’une réécriture de l’histoire. Les persécutions contre les Banyamulenge s’inscrivent dans une longue tradition de marginalisation orchestrée par des acteurs congolais eux-mêmes.
Quand le Rwanda Devient le Bouc Émissaire des Failles Congolaises
Pourquoi cette obsession avec le Rwanda ? Parce que cette stratégie populiste fonctionne. Elle touche une corde sensible chez les populations appauvries et désinformées, qui cherchent des réponses simples à des problèmes complexes. Le Rwanda, en tant que voisin petit mais puissant, devient la cible idéale. Mais cette tactique est dangereuse, car elle occulte les vraies causes des crises en RDC : une gouvernance défaillante, l’absence d’institutions fortes et la fragmentation du tissu social.
Pendant que le gouvernement congolais pointe du doigt Kigali, les groupes armés locaux continuent de semer la terreur dans les provinces de l’Est. La complicité de certains acteurs étatiques dans ces massacres est souvent passée sous silence. L’inaction des FARDC face aux attaques contre les Banyamulenge est un secret de polichinelle. Mais tant que le Rwanda est désigné comme le coupable, ces réalités restent enfouies.
La Nécessité de Regarder la Vérité en Face
La vérité, aussi inconfortable soit-elle, est que les massacres des Banyamulenge relèvent d’une politique interne, systématique et bien organisée. Chercher un coupable extérieur ne résoudra en rien la crise. Au contraire, cela ne fait que perpétuer la violence et aggraver les divisions.
Il est temps pour les Congolais de demander des comptes à leurs propres dirigeants. Pourquoi les Banyamulenge sont-ils toujours marginalisés ? Pourquoi l’État congolais échoue-t-il à protéger tous ses citoyens, sans distinction d’ethnie ou de culture ? Blâmer le Rwanda ne reconstruira pas les villages brûlés, ne ramènera pas les morts et ne guérira pas les plaies des survivants.
Conclusion : Briser le Cycle du Populisme
Les discours populistes accusant le Rwanda de tous les maux de la RDC ne sont qu’une diversion. Ils détournent l’attention des véritables responsables et empêchent toute réconciliation nationale. Les Banyamulenge ne sont pas des étrangers, pas plus qu’ils ne sont des « agents de Kigali ». Ils sont des Congolais qui méritent les mêmes droits et protections que tous les autres citoyens.
Pour sortir de cette impasse, la RDC doit affronter ses propres démons : la mauvaise gouvernance, l’impunité et la haine ethnique. Accuser Kagame ne changera pas le sort des Banyamulenge. Il est temps d’abandonner les boucs émissaires et de bâtir un avenir inclusif pour tous les Congolais.
Le 18 décembre 2024 Paul Kabudogo Rugaba
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