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Paul KABUDOGO RUGABA

Jean-Pierre Lacroix en RDC : Un Artisan de Paix ou le Gardien d'un Statu Quo Inutile ?


Jean-Pierre Lacroix, chef du département des opérations de paix des Nations Unies, est arrivé en République Démocratique du Congo (RDC) ce lundi 16 septembre 2024 pour une mission d’une semaine. Durant son séjour, il a rencontré plusieurs autorités congolaises, notamment pour discuter de la mise en œuvre du mandat de la MONUSCO (Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC). Cette visite intervient dans un contexte tendu, particulièrement dans l’Est du pays, où la MONUSCO est souvent critiquée pour son rôle controversé dans la gestion de la crise.

La mission onusienne a terminé en juin dernier la première phase de son retrait progressif, conformément à un accord avec le gouvernement congolais, notamment en quittant le Sud-Kivu. Depuis ce retrait, la situation dans le sud du pays semble évoluer vers une certaine accalmie, bien que des inquiétudes subsistent quant à la stabilité à long terme.

Jean-Pierre Lacroix a également rencontré les responsables de la mission de la Communauté de Développement d'Afrique Australe (SADC) au Nord-Kivu, une force, théoriquement, déployée pour soutenir les efforts de stabilisation dans la région, mais pratiquement mercenaire appuyant les  FARDC et leurs allies Wazalendo , FDLR et les mercenaires Burundais. Il convient de rappeler que, début août 2024, le Conseil de sécurité de l'ONU a autorisé la MONUSCO à fournir un appui logistique à cette force, souvent critiquée comme étant composée de mercenaires sous couvert de mission de paix.

Il est important de souligner que cette visite fait suite à celles effectuées par Jean-Pierre Lacroix en février et juillet 2024, lorsqu’il avait rencontré le président Félix Tshisekedi, fraichement réélu, ainsi que des représentants de la société civile, des autorités provinciales de l’Est du pays, et les Casques bleus sur place. Pourquoi ces va-et-vient qui n’apaisent rien du tout la tension?

Cependant, des sources controversées soulignent le rôle de Jean-Pierre Lacroix dans des décisions récentes, notamment l’émission d’un mandat de circulation libre pour six génocidaires rwandais, à savoir Innocent Sagahutu, François-Xavier Nzuwonemeye, Prosper Mugiraneza, Alphonse Nteziryayo, André Ntagerura et Protais Zigiranyirazo. Ce mandat, signé par Anthony Nkinzo Kamole le 26 juillet 2024, aurait permis à ces individus de se rendre à Kinshasa pour des réunions diplomatiques. Cette décision suscite de nombreuses questions et alimente les suspicions sur les réelles intentions derrière cette action.

De plus, l’implication de Jean-Pierre Lacroix dans l’opération Turquoise, une intervention controversée menée par la France en 1994 au Rwanda, ne passe pas inaperçue. Ses détracteurs estiment que sa nomination pour diriger des opérations de paix en RDC est une ironie tragique, comparant cela à « vouloir éteindre un incendie avec de l’essence ». L’opération Turquoise, bien que présentée comme une mission humanitaire, est perçue par beaucoup comme ayant permis aux responsables du génocide rwandais de fuir vers le Congo, créant ainsi une instabilité qui dure depuis trente ans.

Il est évident que monsieur Jean-Pierre Lacroix, chef du département des opérations de paix des Nations Unies, cherche à prolonger le mandat de la MONUSCO en République Démocratique du Congo (RDC). Cependant, cela représente une erreur fatale de la part des autorités congolaises si elles aspirent véritablement à instaurer la paix dans le pays.

La MONUSCO, présente en RDC depuis plus de deux décennies, a été maintes fois critiquée pour son inefficacité à mettre fin aux violences dans l'est du pays. Malgré les milliards de dollars dépensés et les nombreuses années de présence, les groupes armés continuent de sévir dans les provinces du Nord et Sud-Kivu, Ituri et ailleurs. Le retrait partiel de la MONUSCO, amorcé en 2024, a même été perçu par certains comme un signe d'espoir pour les populations locales, espérant que la responsabilité sécuritaire retombe enfin entre les mains des autorités congolaises. Maintenir cette mission risque de perpétuer la dépendance de la RDC envers des forces extérieures, tout en minant la crédibilité des institutions nationales.

En réalité, la MONUSCO semble davantage entretenir le statu quo que de favoriser une paix durable. Les tensions ethniques, les conflits armés, et l’insécurité ne font que croître, et beaucoup considèrent que la présence de la mission onusienne constitue un frein à une véritable résolution du conflit. L’échec de la MONUSCO à désarmer les groupes armés, à protéger les civils de manière effective, et à restaurer la stabilité dans la région soulève de sérieuses questions sur son utilité.

Prolonger le mandat de la MONUSCO en 2024 reviendrait à ignorer les preuves accablantes de son incapacité à jouer un rôle décisif pour la paix. Au lieu d’encourager un renouvellement de cette mission, les autorités de la RDC devraient se concentrer sur le renforcement de leur propre appareil de sécurité, la réconciliation nationale, et la mise en place de réformes structurelles pour régler les problèmes de gouvernance et de corruption qui alimentent les conflits. La paix en RDC ne peut venir que des Congolais eux-mêmes, pas d'une force extérieure dont les intérêts semblent souvent détachés de ceux des populations locales.

Il est donc impératif que les dirigeants congolais réalisent que la solution à la crise de l’est du pays ne réside pas dans la perpétuation de la présence onusienne, mais plutôt dans une stratégie nationale de consolidation de la paix, fondée sur la souveraineté et la responsabilisation des acteurs locaux. Persister à prolonger le mandat de la MONUSCO serait non seulement une erreur stratégique, mais également un coup dur pour les espoirs de paix et de stabilité que nourrissent les millions de Congolais affectés par des décennies de violence.

La visite de Jean-Pierre Lacroix en RDC est donc entourée de doutes et de controverses, certains voyant en lui plus un artisan de conflits qu’un messager de paix. Il reste à voir comment ses échanges avec les autorités congolaises influenceront la suite des événements dans cette région troublée.


Le 22 sept. 2024

Paul Kabudogo Rugaba

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