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Paul KABUDOGO RUGABA

Muheto Muhizi : Trahison, Dictature et le Piège de l'Aveuglement Politique

Dernière mise à jour : il y a 4 jours


Le sort tragique de Muheto Muhizi est un écho puissant aux dangers de l’aveuglement politique et des choix qui vont à l’encontre de sa propre communauté. Ce Tutsi du Nord-Kivu, qui a choisi de devenir l’avocat du diable en soutenant le régime de Kinshasa dans ses actions oppressives contre les siens, est aujourd’hui un symbole de ce que la dictature peut engendrer. Dans une ironie cruelle, celui qui a pris la défense de l’indéfendable est tombé dans une ambuscade de ceux qu’il croyait être ses alliés. Mais qui est vraiment Muheto, et que peut-on tirer comme leçon de son attaque?


Muheto : une trajectoire controversée

Muheto est un intellectuel reconnu, mais sa carrière a pris un tournant controversé lorsqu'il a commencé à soutenir le gouvernement de Kinshasa, même dans ses actes les plus répréhensibles. Avec une réthorique habile et des arguments soigneusement articulés, il est devenu une voix que le régime exploite pour démentir les accusations d’oppression portées par les communautés Tutsi.

À maintes reprises, les cris d’alarme des Banyamulenge et d’autres Tutsi face aux exactions, aux persécutions et aux massacres sont tournés en dérision ou minimisés à cause des interventions de Muheto. Il présente le régime comme un acteur épris de justice et de paix, réduisant les vérités criantes des victimes à des « exagérations » ou à des « manipulations politiques ».

Mais pourquoi un homme comme Muheto a-t-il choisi une telle voie ? Certains y voient un stratagème pour gravir les échelons de l’élite politique de la RDC. Malheureusement pour lui, il n’a jamais occupé des fonctions politiques quelconques, si ce n’est celle de traître : produire des déclarations qui flattent les oreilles des oppresseurs tout en remuant le couteau dans la plaie de ses propres frères de sang. Est-il payé pour cela ? Je ne le crois pas. C’est peut-être dans l’espoir d’obtenir quelques miettes d’avantages. Une simple flatterie suffit à lui faire croire qu’il posséde seul l’art du savoir-vivre capable de l’intégrer dans un système, même hostile. D’autres pensent qu’il est motivé par une volonté de se dissocier de son identité Tutsi, espérant échapper aux stigmates et aux discriminations qui y sont attachés. Quelle que soit sa motivation, son choix l’a placé dans une position éminemment précaire, à la fois adulé par ceux qu’il sert et honni par ceux qu’il trahit.


Un allié particulier de Patrick Muyaya

Muheto entretient une relation privilégiée avec Patrick Muyaya, l’actuel porte-parole du gouvernement de la RDC. Cette amitié lui a conféré une certaine visibilité ainsi qu’un accès à des sphères influentes, facilitant ses activités commerciales. On l’a vu à maintes reprises s’exprimer sur le réseau X (anciennement Twitter), dans des Spaces où il participait à des campagnes visant à délégitimer l’autodéfense et les revendications des Banyamulenge, tout en défendant le régime face aux critiques internationales. Il qualifiait Makanika et Sematama, les piliers de l’autodéfense, de bandits, tueurs, voleurs, pilleurs et violeurs – des accusations que ni la MONUSCO, ni les experts de l’ONU, ni les ONG présentes sur le terrain n’ont jamais corroborées.

Dans ses allocutions, il décrivait les Tutsi comme des étrangers perturbateurs et présentait les violences dirigées contre eux comme des conflits intercommunautaires à dépolitiser. Ces arguments servaient de bouclier rhétorique au gouvernement, permettant de détourner l’attention des racines structurelles des persécutions.

Pour Muheto, cette posture est peut-être une stratégie. Mais elle est aussi un jeu dangereux, car dans un régime où la loyauté est souvent récompensée par le silence sur les exactions, nul n’est vraiment à l’abri.

Le 12 décembre 2024, alors qu’il revenait du marché, Muheto a été sauvagement attaqué par des combattants de l’UDPS, 4 hommes armés de machettes. Leur prétexte ? Muheto est Tutsi, donc « Rwandais » à leurs yeux. Cette accusation, courante dans les discours populistes et xénophobes de la RDC, illustre une réalité glaçante : dans un contexte de haine ethnico-politique, aucune loyauté, aussi aveugle soit-elle, ne peut vous protéger de votre identité perçue.

Transporté à l’hôpital dans un état critique, il a d’abord été annoncé que Muheto aurait succombé à ses blessures. Cependant, cette rumeur a été rapidement démentie. Cette tentative de meurtre, en plein jour et avec une barbarie assumée, n’a pas seulement choqué par sa violence. Elle a également mis en lumière l’échec des stratégies d’assimilation et de trahison employées par certains membres de communautés persécutées, qui espéraient, maladroitement, s’intégrer ou se protéger au détriment des autres.


Une leçon pour les membres de l’Akagara

Le sort de Muheto devrait servir de mise en garde aux autres Tutsi encore présents en RDC, en particulier à ceux qui composent l’Akagara, ce groupe ayant choisi de collaborer avec le régime pour défendre l’indéfendable et calomnier leurs propres frères. Collaborer avec un régime est un choix personnel, certes, mais si gagner la confiance implique de sacrifier des milliers d’innocents, cela devient moralement inacceptable.

Dans leur quête de reconnaissance et de validation auprès de Kinshasa, ces individus semblent oublier une vérité fondamentale : la dictature est une épée à double tranchant. Aujourd’hui, ils peuvent être les instruments de l’oppression ; demain, ils pourraient en devenir les victimes.

Le régime de Kinshasa, en cultivant une atmosphère de méfiance et de haine interethnique, a créé un climat où personne n’est vraiment en sécurité. Les membres de l’Akagara, qui persistent à défendre un système oppressif, devraient se rappeler que leur proximité avec le pouvoir ne les protégera pas de la violence systémique qu’ils contribuent à perpétuer.


La dictature : une épée à double tranchant

Le cas de Muheto met en évidence une vérité universelle : les régimes autoritaires utilisent et jettent. Ceux qui choisissent de collaborer avec de tels systèmes doivent comprendre qu’ils ne sont que des pions dans un jeu qui les dépasse. Lorsque ces pions ne sont plus utiles, ils sont sacrifiés sans scrupule.

Muheto a peut-être cru qu’en se détournant de ses frères, il trouverait une forme de protection ou de reconnaissance. Mais son attaque montre que, dans un climat de haine et de discrimination, aucune stratégie individuelle ne peut prévaloir contre une logique collective de persécution.


Un appel à la réflexion et à l’unité

La tentative de meurtre de Muheto est une tragédie, mais c’est aussi une occasion de réflexion pour tous ceux qui, comme lui, ont choisi de tourner le dos à leur communauté dans l’espoir de gagner les faveurs d’un pouvoir oppressif. Les Banyamulenge, les Tutsi du Nord-Kivu, le Hema, les Babuyu et tous ceux qui se reconnaissent dans ces luttes doivent comprendre que l’unité est leur seule force.

Dénoncer les injustices, même au risque de l’impopularité, est une nécessité morale. Le silence ou la complicité, en revanche, ne font qu’accélérer les cycles de violence et d’oppression. À ceux qui collaborent avec le régime de Kinshasa, le sort de Muheto devrait rappeler que la loyauté envers un système oppressif ne les met pas à l’abri de cette oppression.

Conclusion

Muheto est un homme complexe mais égaré par ses choix politiques. Sa fin tragique est une illustration des dangers qui guettent ceux qui choisissent de sacrifier la vérité et la solidarité communautaire sur l’autel de l’ambition personnelle.

Dans un contexte où les tensions ethniques et politiques continuent de déchirer la RDC, son histoire doit servir de leçon : la trahison de ses propres valeurs et de ses propres frères ne conduit pas à la sécurité, mais à une fin solitaire et tragique. Aux Banyamulenge et à tous les Tutsi encore présents en RDC, cette histoire rappelle que l’unité, la résistance et la dignité sont leurs meilleures armes.


Le 16 décembre 2024

Paul Kabudogo Rugaba

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