Après avoir changé de page et de rubrique, - d’abord puissant bras droit du président Maréchal Mobutu, puis exilé à l’avènement au pouvoir de l’AFDL de Laurent Désiré Kabila en 1997 - Honoré N’Ganda, décédé au Maroc des suites d’une maladie, en mars 2021, a été une figure emblématique des récents mouvements xénophobes envers les Tutsi. Pendant sa vie en exil, il s’est adonné à la propagande anti-tutsi congolais avec application.
Sans scrupule et sans jamais prendre conscience de la gravité de l’usage de son style malveillant à l’endroit de ceux qu’il qualifie d’envahisseurs rwandais, il s’était fait le devoir de prêcher la haine aux congolais en réfutant l’identité congolaise à toute personne de cette communauté. « Il n’y a pas de Tutsi Congolais » martelait-il avec véhémence ! Dès lors, il a réussi à mettre le couvercle sur les jours et les nuits tragiques qu’il a fait subir aux congolais (zaïrois de l’époque) pendant ces années d’âge d’or à la direction de l’Agence Nationale de Documentation (AND), devenue l'actuelle Agence Nationale de Renseignement (ANR).
En proposant une politique sociale et culturelle basée sur la fragilisation de l’unité entre communautés, il est considéré comme le héro et est vénéré par un grand public, au pays comme à l'étranger.
Jusqu'à sa mort, cet athlète de la haine ethnique contre les Tutsi traînait toujours autour de lui une aura de champion du monde toutes catégories.
Sa réussite dans l’art du mensonge et sa capacité à faire rallier les Congolais à sa guerre fratricide contre sa cible préférée appelaient ses adeptes politico-populistes à la même campagne. Et au nom de leurs bonnes raisons, ils ont tous trouvé les prétextes pour s'en prendre à cette minorité, tandis que lui, le champion, est magnifié par ses admirateurs.
Evidemment, s’il pouvait y avoir un tenant du titre, Nzangi Muhindo (au niveau national) et Homer Bulakali (au niveau provincial) auraient été des concurrents sérieux sur le ring de la haine contre les Tutsi. Ces derniers qui se sont aussi largement engouffrés dans la brèche semblent connaître une ascension fulgurante vers les hauteurs de leur champion N’Gbanda, tandis que beaucoup d’autres prétendants, notamment Mubake, Misare, Matate, Bitakwira, Kaluba et consorts, ont pris le relais et refusent d’être le dindon de la farce dans ce florissant business de la politique populiste.
Armés d'histoires compromettantes contre les rwandophones tutsi de Minembwe et de Masisi, des déclarations fracassantes doublées d’allégations montées de toutes pièces, tissées de formules stéréotypées et pour lesquelles les générateurs assurent disposer des preuves irréfutables, N’Gbanda et acolytes se sont largement alloué les services des médias locaux et ont exploité, au gré du vent et de vagues, les opportunités offertes par les nouvelles technologies de communication. Par ces opportunités, ils se sont ainsi offert des campagnes d'affichage nationales et internationales et ont pu ainsi faire le plus de shows possibles. Sur la chaine YouTube, lieu d’expansion idéologique obligatoire du moment, les Tutsi congolais en général et les Banyamulenge en particulier ne finissent pas de s’agacer à la moindre découverte de l’image de l’homme aux grosses lunettes, s’adressant aux téléspectateurs avec une passion qui parait tenir la possession du monde congolais.
Horrifiée par la terreur que fait régner son discours de haine, la cible des outrages de N’Gbanda ne peut que se défendre constamment d’une réelle menace d’agression de la part d’une masse d’internautes obnubilée par la rhétorique de l’imaginaire projet de balkanisation.
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*Le Barabbas Congolais*
Les fausses thèses avancées alimentent pourtant les vraies colères d’une bonne fourchette de congolais qui, depuis un temps se lèvent avec la même revendication et le même slogan : Uwa Mtusi, (abats le Tutsi). Cet enthousiasme avec laquelle les messages de N’Gbanda sont reçus par une bonne partie de congolais fait penser aux chefs des prêtres et responsables du peuple romain qui ont tenu conseil contre Jésus-Christ pour le faire condamner à mort ainsi qu’à la clameur de la foule qui réclama sa condamnation et exigea la libération du brigand Barabbas ; ce dernier ayant pourtant commis un meurtre avec d'autres agitateurs.
Par cette forte mobilisation, les éminents historiens ne se font plus la peine d’interroger les archives anthropologiques pour éclairer l’opinion. Probablement par crainte de se rendre impopulaires, mais aussi et surtout, par peur d'être soupçonnés de s’être permis la moindre critique contre « l’éveilleur de la conscience congolaise » et le moindre soutien aux « usurpateurs de l'identité congolaise ». Ils se diraient éventuellement que même Ponce Pilate a libéré Barabbas et condamné Jésus-Christ, non pas par conviction sur sa quelconque culpabilité, mais par l’inflexible pression populaire !
En effet, protégés de toutes mesures de poursuite pour incitation à la violence, N’Gbanda et ses admirateurs ont détourné les projecteurs de tout ce qui se rapporte aux différentes vexations qui affectent la vie des Congolais. Ils se sont consacrés au dossier de la chimérique thèse de balkanisation de la RDC. Une thèse toujours reçue comme du pain béni, à la fois par les personnalités qui ont tout intérêt à souffler sur les braises du conflit, que par les Congolais accros aux interminables débats à ce sujet et dont la majorité est incapable de situer Minembwe par rapport au Rwanda.
Dans leur tandem, N’Ganda et sa caste ont fait endosser aux Tutsi toute responsabilité de la misère congolaise. Ainsi, avec cette perche tendue vers les congolais que les plus zélés appellent « congolais de souche », ils ont mis les mots sur le désormais seul et unique mal congolais et se sont offert ainsi les moyens de leur politique. Par leurs messages de haine, ils laissent les Congolais, même les sans pain et les mal abrités dans une ferveur incroyable, au milieu d’une ambiance survoltée. Quitte à croire que ces derniers trouvent satisfaction de leurs besoins vitaux dans le funeste projet d’extermination des Tutsi.
On peut imaginer combien d’hommes et de femmes ont mis toute leur force dans la bataille pour s’insurger contre la commune rurale de Minembwe que N’Gbanda, Fayulu et Bazaiba qualifièrent sans vergogne de matérialisation d’annexion au Rwanda, d’une partie du territoire congolais. Et ce, sans peur d’être contredits par ceux qui, raisonnablement évoquent des centaines de kilomètres et des dizaines de communes entre Minembwe et la frontière Rwandaise.
Ces instigateurs de haine ethnique savent pertinemment que leurs admirateurs souffrent d’un syndrome d’acceptation automatique. Pourvu qu’on parle du mal des Tutsi, toutes les autres considérations légales, scientifiques et objectives sont balayées d’un revers de la main. La date d’interpellation, à l’Assemblée Nationale, du ministre Azarias Ruberwa est, à ce sujet à marquer d’une pierre blanche. Submergés par les messages accusant toujours « l’occupant rwandais » comme auteur des mille plaies qui le dévorent (cherté de vie et privations sans nombre : manque d’eau, d’électricité et d’infrastructures sociales, insécurité alimentaire, etc.), les congolais paraissent ne plus avoir ni discernement, ni jugement critique. Par croyance au supposé patriotisme de la coterie anti-tutsi, ils se sont laissés largement duper par les âneries de N’Gbanda et semblent entièrement se fier à ses thèses et aux discours qui les encensent de « souverains primaires ». Les mêmes éléments de langage de la part de N’Gabanda sont relayés par d’autres extrémistes donnés dans le cas précis pour gardiens du temple !
On sait d’expérience que les discours de Mr. Honoré N’Gbanda ont servi de véritable moteur pour la meurtrière machine de guerre contre les Tutsi sur leur terre de Minembwe et de Masisi. En revanche, ces discours xénophobes ont bénéficié du soutien indescriptible des élus du peuples, des grandes figures de la société civile et de l’église dont les célèbres pasteurs protestants et prélats catholiques – Pasteur Mukuna et Mgr Muyengo en tête de gondole. Et avec ce soutien par les élites, il y a fort à parier qu’au moment où Honoré N’Gbanda laisse derrière lui l’héritage d’un champion de haine ethnique, il soit en phase de béatification et soit rapidement promu à la canonisation.
Kinshasa, le 13 avril 2021
Mukulu Le Patriote
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