Plus les jours passent, plus l'avenir de toute une communauté devient incertain. Les Banyamulenge se demandent s’ils ont encore les arguments pour faire réagir le gouvernement face au péril qui les menace. On est même tenté de croire qu’en RDC, en particulier lorsqu’il s’agit des Banyamulenge, la notion d’appel au secours des civils en danger a perdu son sens propre. Pourtant, « la paix et la sécurité » sont les mots creux que nos dirigeants aiment répéter à l’envi sans qu’ils soient suivis d’effets palpables sur le terrain.
Dernières victimes en date des offensives MAI-MAI, les villages de Gongwa (dans les Hauts-Plateaux d’Uvira) et de Mikalati (Hauts-Plateaux de Fizi) ont ajouté leurs noms à une sinistre liste déjà longue de plus de 300 villages Banyamulenge incendiés. Autant dire que c’est chaque jour, depuis quatre ans qu’une case supplémentaire est cochée dans la dynamique du nettoyage ethnique de ces tutsi congolais.
Les plaintes faisant état de graves atrocités que subit cette communauté sont royalement ignorées. La "victimisation" est le maître-mot utilisé pour laminer ces plaintes tandis que des actions pour exacerber une partie des congolais acquis à cette meurtrière entreprise d’épuration ethnique prolifèrent dans un environnement plus que favorable. Il sert même de prétexte pour l’inaction des organisations internationales qui, dans ce cas précis se montrent complaisantes face à ces violations des droits humains.
Si cet article n'a pas vocation de bousculer les idées reçues, il a le mérite de faire évoluer les esprits des uns et des autres en s’attaquant aux causes du mal.
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Quand les MAI-MAI gèrent la météo sécuritaire, tandis que les FARDC se montrent friandes des scènes macabres.
Moins disposés à régler les problèmes sécuritaires parce qu'ils en vivent, le général Dieudonné Muhima ainsi que les troupes FARDC sous son commandement ont enfilé le bleu de chauffe, non pas pour sécuriser les civils de Minembwe dans leur ensemble, mais pour faciliter et accélérer l’extermination des Banyamulenge. Le mot d’ordre du général Muhima pour rayer de la carte de la RDC les villages de Ngoma et Kitasha, respectivement en dates du 08 et 31/08/2020 - n’en déplaise aux femmes enceintes et victimes d’avortement sous l’effet de gigantesques détonations à l’arme lourde- ainsi que sa fourberie à travers le scenario monté de toute pièce pour réaliser ce qu’il appelle « coup de filet » contre Mr. Bonheur Sekunzi ne sont que quelques exemples pour illustrer le portrait de cet homme aux riches galons d’or sur les épaules.
Si on s'est longtemps buté sur la difficulté de relier les faits aux motivations d'un général qui s'évertue à sacrifier une partie de la population sous sa "protection", on constate que de fil en aiguille, ses intérêts et ceux de la milice MAI-MAI convergent : des vaches sont razziées pour le bonheur des deux alliés. En revanche, bien que des faits réels lèvent un coin du voile sur la collaboration entre cette milice et éléments FARDC sur le terrain, le mystère reste entier quant à l’indifférence affichée par l’état-major général des FARDC vis-à-vis de cette entreprise meurtrière. La sélective déclaration de mise en garde, le 19 juin 2020, par les FARDC à l’endroit de Twirwaneho n’était on ne peut plus claire, une déclaration prémonitoire de ce qui se prépare dans les bureaux de ceux qui ont juré fidélité et loyauté à la protection des civils sans discrimination. Ce qu'on ne comprend toujours pas, ce sont les raisons et motivations d’un tel ciblage. La très décriée alliance offensive des MAI-MAI et FARDC contre les villages Banyamulenge et Twirwaneho, rendus on ne sait par quel mécanisme, leur ennemi commun, n’est que suite logique de la déclaration partisane de l’état-major général des FARDC contre ce groupe d’autodéfense civil. Dans ces conditions, et s’agissant des groupes armés, il faut être de la communauté Bunyamulenge pour se voir imposé le verdict de culpabilité et être affligé de facteurs aggravants ; même si l’on agit en légitime défense.
D’aucuns se demandent si les FARDC ne se sont pas, eux aussi laissés endoctrinés par les messages au vitriol de la chaine YouTube, la voix du Kivu et principal outil de communication de la milice MAI-MAI dont la brutalité et la sauvagerie des troupes mettent, depuis 2017, à feu et à sang toute une région entière et contre laquelle aucune mesure de la part des FARDC n’est prise. Il n’y a rien de plus cynique que d’enjoindre à une victime d’attaques répétées, et en toute impunité, de ne pas rendre la monnaie de la pièce et d’attendre toujours que son bourreau revienne, à son gré, à la charge.
Du côté des MAI-MAI, ont connait entre-autres le général Ebu-Ela à travers les clichés qui nous parviennent fréquemment de la chaine YouTube, la voix du Kivu et qui colportent l’image d'un homme déterminé à sonner la fin de l'existence des Banyamulenge à travers ses opérations baptisées "Kimbunga fyeka adui wa Congo". Bien que certaines indiscrétions donnent pour mort ce farouche commandant MAI-MAI dans un de ses derniers assauts contre les populations qui n’ont la vie sauve que grâce à l’autodéfense civile, rien ne change dans la dynamique. Et comme il s’agit des attaques contre des civils Banyamulenge, le capitaine Kasereka Dieudonné (porte-parole du Secteur opérationnel FARDC, Sokola II, sud Sud-Kivu), reste motus et bouche cousue !
Point n’est donc besoin de souligner qu'il suffit de s'autoproclamer général d'un groupe armé contre les civils Banyamulenge pour bénéficier du soutien de certains officiers FARDC. Un comportement qui joue en faveur de l’émergence des velléités, pour les jeunes civils désœuvrés, à porter les armes et à trouver pour chair à canon, les femmes et enfants Banyamulenge dont le sort est écrit à l’avance.
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La communauté Banyamulenge face à la politique du cynisme
Les Banyamulenge sont aujourd’hui considérés comme une carpette sur laquelle tout le monde veut essuyer ses pieds sans que personne ne puisse avoir envie de la nettoyer. Depuis plus d’une année, un populaire écho au goût de péché mortel persiste dans l’imaginaire collectif, suggérant aux congolais qu'un projet de balkanisation de la RDC - dont Minembwe et les Banyamulenge en sont la clé de voûte - est en cours de préparation, sinon déjà à sa phase de mise en œuvre. Les responsables d’églises, à l’instar de Mgr Fridolin Ambongo, des célèbres pasteurs tels Pascal Mukuna et Joëlle-Gloria Kabasele soutiennent cette imaginaire thèse et condamnent publiquement les « identifiés » artisans. Sans le moindre effort de discernement, ils se rangent du côté des politiciens et médias qui poussent à la désinformation par une représentation stéréotypée de toute une communauté qu’ils ont prise pour leur assurance-vie. Ils rajoutent ainsi, à leur manière, un tour de vis pour condamner leur cible à la persécution !
Les gesticulations des soi-disant membres de la société civile des hauts-plateaux de Mwenga, Fizi et Uvira, à travers leurs lettres à charge contre les Banyamulenge ne sont que révélatrices de l’existence d’une branche propagandiste des MAI-MAI. Mais pire encore, ceux qui sont censés jouer à l’apaisement prennent le statut d’observateurs désintéressés, voire même des va-t’en-guerre ; incapables d’anticiper les conséquences de leur choix sur la vie des populations civiles.
En effet, si pour certains parmi les plus rationnels il est admis que la communauté Banyamulenge est victime d’une campagne acharnée de haine et de diabolisation à travers les médiats et réseaux sociaux, le silence assourdissant des différentes personnalités et institutions sur les multiples attaques MAI-MAI dont ils sont la cible est l’un des phénomènes les plus sidérants de notre époque. Il n'existe pas, à ce jour, de courageuses personnalités ou institutions neutres pour dénoncer le plan d'extermination des Banyamulenge.
- Les politiciens, les élus du peuple, les journalistes et les organisations humanitaires et/ou des droits de l’homme tournent autour de cette question comme un maître-chien mis en présence d’un colis piégé. Il y a lieu d’affirmer sans peur d’être contredit que ces différents acteurs ne sauront pas tirer vanité des positions qu'ils occupent et des privilèges qui en découlent s’ils se montrent déterminés à affronter cette réalité ;
- Les députés, tant nationaux que provinciaux n’osent lever leur petit doigt pour alerter sur le pitoyable sort qui attend les membres de la communauté Banyamulenge. En revanche, il suffit qu’un combattant MAI-MAI soit neutralisé ou pris en flagrant délit de pillage des vaches pour que les élus du peuple –Nzangi et Bulakali en tête de gondole- soient chauffés à blanc pour pousser des cris d'orfraie, comme s’ils avaient cent bouchers à leurs trousses ! Sans aucun bilan à leur actif et craignant des baffes qu'ils risquent de prendre aux élections de 2023, ils savent pertinemment qu’adopter une attitude contraire leur coûterait une bonne part du marché électoral ;
- Des personnages politiques comme Bitakwira et autres habitués des joutes oratoires et cathodiques sans adversaires directs se sont illustrés par des discours enflammés et incitant à la haine et à la révolte, à travers le dossier Minembwe qui leur a servi d’aubaine pour gagner en populisme sur la scène politique congolaise. Leur rhétorique a débouché sur l'intensification des attaques et par la multiplication d'agressions physiques et verbales à l'encontre des civils Banyamulenge et même à des tueries de certains d'entre eux à Fizi. Mais malgré ça, ou plutôt à cause de ça, Bitakwira a été couronné du titre de conseiller privilégié du Chef de l’Etat en matière de pacification pour l’Est de la RDC !!!
- Jusqu'en juillet 2020, la conspiration contre les Banyamulenge avait déjà connu des dimensions assez importantes avant que le Dr. Mukwege ne vienne lui donner une orientation plus large et plus sévère par son célèbre Tweet du 26 juillet 2020 qui jeta en pâture toute une communauté. Une expression plus qu’éloquente pour dire que lorsqu’il s’agit d’allumer la mèche contre les Banyamulenge, même le Prix Nobel de la Paix est consent de dévoiler qu'il n'a pas de physionomie particulière qui le distingue des agitateurs du conflit ;
- Des pseudo-membres des organisations de la société civile des Hauts-Plateaux, aile propagandiste des MAI-MAI parlent de l’AFDL (1996) pour essayer d’expliquer les causes lointaines du conflit actuel. Ils oublient que non seulement l’AFDL n’était pas une rébellion des Banyamulenge et/ou pour les Banyamulenge, il existe depuis 1968 un mouvement idéologique ; le RRR (Rendre les Banyamulenge dits « Rwandais » au Rwanda) qui n’a guère perdu de sa substance et dont la matérialisation se concrétise à travers la dynamique actuelle ;
- Les organisations nationales et internationales des droits humains surfent sur toutes les angoisses sans rien proposer. A cela s’ajoute l'absence de l'aide humanitaire aux sinistrés, qui est vécue comme un coup de massue et sonne comme une autre forme de lynchage pour les victimes;
- La MONUSCO ne saura pas faire croire au monde qu’ils n’ont pas la moindre idée sur la transformation en ruine, par les MAI-MAI, des villages Banyamulenge. Mais, on a l’impression que dénoncer cette situation à juste titre, serait pour les concernés synonyme de scier le bois sur lequel on est assis !
Devant ce cocktail de défis, les Banyamulenge ne peuvent que continuer de s'adresser au Président de la République, garant de la nation, pour lui montrer le mal et la ruine totale dont ils sont menacés au grand déshonneur des FARDC et autres institutions en charge de la sécurité. Autant le Président tient à l'union sacrée de la nation, autant cette communauté meurtrie tient à retrouver le droit à la vie sur leur terre qu'ils continuent d'arroser de leur sang.
Kinshasa, le 20 février 2021
Mukulu Le Patriote
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