Depuis les attaques du FPR au Rwanda en 1990, il s’est créé un mythe dans le monde défini comme de bantou selon lequel il y’ aurait un plan de créer, tantôt un tutsi land, tantôt un empire Hima, qui formerait une ceinture allant de l’océan indien à l’Atlantique, couvrant ainsi le Congo, le Rwanda, le Burundi, l’Uganda, le Kenya la Somalie et l’Éthiopie.
Selon Christiane Kayser « Le mythe de l’empire Hima est une théorie de conspiration qui accuse les rwandophones surtout Tutsi de vouloir créer un empire à eux englobant une partie du Congo et d’autres territoires. » (Kayser, 2013). Mais d’où vient-il ce mythe?
Le mythe de l’empire Hima a été conçu par les militants du MRND de Habyarimana qui voulaient obtenir l’alliance des pays voisins en donnant à la guerre contre le FPR, une connotation si pas raciale du moins ethnique. C’est ainsi que sont apparues les premières cartes des délimitations géographiques de l’empire Hima lesquelles varient selon le pays visé par la propagande. C’est ainsi que Certaines indiquent le Kivu annexé au Rwanda avec comme objectif d’enrager les congolais contre les tutsie. D’autre vont présenter un empire qui va de l’océan atlantique jusque à l’océan indien avec come visée, obtenir l’appui de la Tanzanie et du Kenya.
Ce mythe a servi comme instrument de mobilisation de la masse hutu contre leurs compatriotes et voisins tutsi, et a abouti à un génocide qualifié comme le plus rapide et le plus cruel du monde. Le bilan est connu : un million des morts dans un espace temporel de trois mois. Comment expliquer cette tragédie en si peu de temps? C’est Parce que tout simplement, toute la population déjà intoxiquée, a donc participé activement aux tueries, au nom d’un fanatisme idéologique. Le retour des tutsi au Rwanda a été qualifié de retour d’une monarchie tyrannique, leur image a été terni, diabolisé et présenté comme ennemi à abattre à tout prix.
La défaite des ex FAR va précipiter au Congo une masse des partisans et concepteurs de l’idéologie génocidaire et du mythe de l’empire Hima qui vont exporter leur arme redoutable dans la partie Est de la RDC. La théorie a trouvé un terrain favorable au Congo qui a déjà, à maintes reprises, fait des tentatives semblables lors de la rébellion muleliste et après. Ici il faut préciser que ce n’est pas à ce moment-ci que l’idéologie génocidaire est née dans les provinces du Kivu, mais bien le moment où elle a obtenu un appui assez consistant. Ses racines remontent un peu plus loin en 1964. C’est ainsi que les congolais, surtout les ressortissants du Kivu, avec une telle prédisposition, vont se servir beaucoup du mythe pour convaincre le reste du pays d’une prétendue cause juste. En peu de temps, la théorie se repend en tache d’huile et gagne les confins du pays.
Toutefois, Il est à souligner que l’idéologie génocidaire qui s’est développée au Rwanda et celle qui s’est développée au Congo, voir même au Burundi, ont des points communs. Toutes sont issues de la politique coloniale belge. Toutes visent l’extermination des tutsi. Je pense que la Belgique devra, un jour, être interrogée sur sa responsabilité.
Le mythe de l’empire Hima que Kayser appelle, à juste titre, la théorie de conspiration, repose sur deux piliers : le premier est la création du prétendu empire Hima dont les tenants et les aboutissements seraient la balkanisation du le RDC. Le second est le dénie la congolité de toute personne du faciès tutsi, Banyamulenge inclus, en faussant l’histoire et en entretenant une confusion délibérée du sens deux mots : tutsi et Rwandais, pris l’un pour l’autre à desseins inavoués. Tout tutsi est d’office Rwandais et ne peut en aucun cas être congolais. Parmi ceux qui se sont engagés dans la voie du déni de l’existence de Banyamulenge figure, curieusement le général James KABAREBE. On se souviendra de son fameux discours négationniste du 22 aout 2002 à l’Université Libre de Kigali (ULK) alors qui était le chef d’état-major de l’Armée Patriotique du Rwanda (APR).
Les campagnes de la prétendue balkanisation ont été fait à l’intérieur de la RDC tout comme à l’extérieur avec l’objectif de vouloir creer la haine de toute la région envers les Tutsi partout où ils sont. Elle a servi de justification des tous les désordres que le pays a connus et connait encore aujourd’hui. Elle sert de justification aux agressions sur les Banyamulenge, qui en sont les boucs émissaires. Dans son article : « Congo : mythes, fantasmes et perceptions » Christiane Kayser écrit : « l’image et la perception qu’ont les Congolais et surtout les hommes congolais d’eux-mêmes, l’impunité ambiante, la violence que beaucoup connaissent comme seule solution à un problème, la non existence d’un État digne de ce nom exigent d’autres remèdes que la création de mythes de convoitise et de boucs émissaires. » c’est ainsi qu’elle sert de cheval de Troie pour justifier le génocide en cours de Banyamulenge par les milices coalisées Maimai. Ainsi, la communauté internationale a tourné son dos et les crimes se commettent au grand jour au vue et su de tout le monde. L’Occident et même les États unis, gendarmes du monde, se sont laissés intimider pour éviter d’être taxés de partisans de la prétendue balkanisation de la RDC. Ce qui n’a pas empêché qu’ils soient pointés du doigt comme concepteurs.
Toutefois, ce dernier temps, peut-être pour sortir du pétrin dans lequel les congolais eux-mêmes se sont mis et sont maintenant pris, et pour briser la chaine qui le tient enchaînés, deux évènements ont marqué la fin de l’année 2019 et le début de 2020. Deux personnalités importantes ont marqué un pas en détruisant un des piliers de la théorie de conspiration. Il s’agit d’abord de L’archevêque de Kinshasa, en RD Congo, le Cardinal Fridolin Ambonga lors du retour de visite pastorale de compassion au diocèse de Butembo-Beni dans la province du Nord-Kivu, dans l’Est du pays effectué du 27 au 31 décembre 2019. Ensuite Le président de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi dans un discours du 19 janvier 2020, s’exprimant devant la communauté congolaise de Londres. Dans leurs déclarations en public et devant les médias, les deux Excellences ont reconnu ouvertement la congolité des Banyamulenge.
Confirmer la nationalité Banyamulenge n’a rien de nouveaux. Cependant, dans le contexte actuel où la grande majorité des congolais s’est ralliée derrière une idéologie ségrégationniste, cet acte reste en soit une bravoure, surtout pour un président qui fait face à une opposition puissante derrière ce mythe. Accepter d’être huer pour une cause noble prouve sa dignité. C’est du courage qu’aucun de ses prédécesseurs n’a fait preuve.
C’est dans ce même angle d’idée qu’il faut en fait, considérer ce que les médias ont qualifié à tort ou à raison de la défection du colonel Makanika. Un homme en uniforme, haut gradé, qui sans avoir l’intention de combattre le gouvernement, s’engage d’aller mourir aux cotés de persécutés, des haïs et des abandonnés par l’armée régulière aussi bien par les forces onusiennes, à la merci des groupes armés négatifs de toute la région de grands lacs. Si l’armée reprenait contrôle de la situation de manière responsable, on ne peut pas se douter qu’il regagnerait son post.
Il convient Cependant de mentionner que les déclarations des deux notabilités du pays étaient biaisées et restent encore entachée des marques de la théorie du mythe. Serait-il par ignorance des faits ou par réserves?
Quand le cardinal parle du remplacement d’une population par une autre, il ne s’écarte pas encore tout à fait de la théorie du mythe. On peut présumer qui il l'a dit de bonne foi parce que c’est ça l’information recueillie lors de sa descente à Beni. Il faut le reconnaitre c’est la version populaire, si fausse soit-elle. Il lui sera difficile de le prouver ses affirmations sans tomber dans le piège du cercle vicieux de ségrégation raciale, où les tireurs de ficelle puisent savoureusement leurs arguments pour soutenir la thèse de l’existence d’une confusion dans l’identification des citoyens et des non citoyens. Ils misent sur la notion de la nationalité et celle d’ethnie. Pour eux les Banyamulenges du sud Kivu, les Bajomba du nord Kivu et les Hema de l’Ituri ne sont pas congolais au seul motif qu’ils ne sont pas Bantous.
Quant au président Félix Antoine Tshilobo Tshisekedi, quand il dit « Les Banyamulenge sont des congolais, ils sont restés des générations en génération en RDC » c’est tout à fait correct. Mais quand il ajoute que: «C’est comme vous qui avez pris la nationalité ici (bien entendu l'Occidendent). Il est anormal qu’on ne vous considère pas...» il fausse l’histoire. Les Banyamulenge n’ont pas acquis la nationalité à l’instar des congolais vivant en Europe mais par nature, tout comme les autres congolais qui sont au pays. Ensuite il ajoute qu’il leur a dit (les Banyamulenge) « qu’ils doivent prouver leur nationalité par des actes ». Cela l’embourbe encore dans l’idéologie séparatiste et peut susciter des polémiques juridiques à la longue. Pourquoi cette condition aux seuls Banyamulenge? Déjà son parti en a fait des interprétations ombrageuses. D’aucun pourrait se demander si, selon son discours, les Banyamulenge doivent passer des temps de servitude pour gagner cette nationalité. En plus qui ignore que ce sont de combattants Banyamulenge qui jusqu’à présent se sacrifient plus pour le pays, comparativement à d’autres tribus qui qui s’arrogent les droits bénéficier de médailles d’honneur au détriment des autres? Qui ignore que même au sein de l’armée, les militaires banyamulenge sont envoyé dans les endroits le plus dangereux et très risquant? Quelle preuve veut-il de plus ? Monsieur Félix devra faire encore preuve du courage pour clarifier l’affaire.
Les discours de ces deux no 1 se contredisent en un point. Le cardinal confirme l’existence du plan de balkanisation alors que le président le nie. Ce dernier a tout à fait raison. Le mythe de balkanisation du Congo et l’annexion par le Rwanda ne sont que propagande d’intoxication. Et si la balkanisation se produisait, qui en serait responsable si non des congolais eux-mêmes? Ils disent qu’ils veulent la paix alors qu’ils créent une situation explosive. Contradiction des faits et des dits, voilà la psychologie d’un Congolais. Comment peut-on parler de la paix en excluant et privant une partie de la population de ses droits? Comment peut-on parler de la paix en multipliant des aigris? Comment peut-on parler de la paix en créant la famine, la misère, la discorde, la discrimination…? Comment peut-on parler de la paix en entretenant et en soutenant dans la région les rebellions pour les pays voisins? Les Congolais en général, rongés par la corruption et menacés de misère, Les Banyamulenge rendus apatrides menacés de d’extermination, Les FDLR et Interahamwe contre le Rwanda règnent en maitre et s’autofinancent par exploitation des minerais du Congo, les FNL, FROLINA, RED TABARA …contre le Burundi trouvent une base arrière confortable, le LRA contre l’Uganda trouve une cachette sure, voilà un réel état des choses qui un jour ouvre une brèche, à travers laquelle toutes ces parties entrent comme acteurs dans les conflits congolais.
Dans cette confusion, aucun effort n’a été fourni pour aménager un climat de paix, de réconciliation, par des actions de sensibilisation et des formations. Et si jamais il y a une initiative, elle se transforme rapidement un séminaire d’intoxication. Partout de militaires pour la sécurité, mais partout l’insécurité totale : des morts, des vols et des pillages, des viols et de coup de fouet. Et puis,on se tape sur la poitrine comme signe d’un triomphalisme d’appartenance à un pays scandaleusement riche en même temps qu’on frappe sur chaque porte avec un regard désespéré de quémandeur. Quel contraste?
Bien plus, il ne faut pas perdre de vue que les dirigeants congolais qui se sont succédé, n’aiment pas leur pays. Ils font miroiter un patriotisme fantôme alors qu’il s’agit du pure racisme, ethnisme et du tribalisme à outrance. Leur nationalisme est seulement prononcé au bout des lèvres, mais il est dénué de tout sentiment patriotique. Ils n’ont ni la conscience d’être une même nation ni la volonté d’en former au moins. C’est pareil à un amas d’opportunistes pillards, superstitieux, poltrons, dupes, jaloux, sadique et facilement maniables par des propagandes nocives et enclins à des actes subversifs, sans souci du lendemain collectif. Au lieu d’en finir avec les problèmes qui se posent, ils veulent en finir avec les personnes qui les exposent.
Revenons aux discours de ces deux excellences. Tout compte fait. Bien qu’encore entachée, leurs déclarations constituent un pas remarquable, et aussi un courage exceptionnel surtout dans un pays ou la désinformation a déjà gangrené toutes les couches sociales avec des convictions erronées. Dans pareille situation, prendre une position opposée est un signe de bravoure. Il est prévisible qu’ils auront un impact positif parce que d’abord, du fait de leur personnalité importante (Le numéro 1 du pays et le numéro un du monde catholique du pays). Par ce simple geste, l’existence de congolais Banyamulenge n’est plus à contester. Deuxièmement, un des piliers de la théorie de conspiration est détruit. Il sera peut-être plus facile de démolir le second.
Les déclarations de ces deux personnalités viennent renforcer les efforts étouffés mais déjà existant des quelques hommes qui, au nom d’une cause juste, se sont inscrit en faux contre toutes les injustices à l’égard des communautés rwandophones en général et les Banyamulenge en particulier et ont même accepté de prendre le risque de perdre leur considération dans leur communauté d’origine. Nous pouvons citer : l’homme politique Bacile DIATEZWA, l’historien Thomas LUHAKA, KAROTI Mpatanishi, et une dame bembe, connue sous le nom de Christine.
Ces discours ont encore le mérite d’ouvrir un débat sur le sujet jusque-là tabou ou traité clandestinement de manière non appropriée. Espérons que ces hommes ci-haut cités, qui ont osé parler, seront invités sur les plateaux des médias et auront la chance de monter sur des créneaux pour exprimer ce qu’ils ont défendu contre vents et marais, de manière désintéressée, et sans se lasser. Espérons également que les personnalités importantes, congolais ou étrangers qui ont nié l’existence de Banyamulenge pourront enfin confesser leurs propos.
Le 22 Janvier 2020
Paul KABUDOGO.RUGABA.
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