« Le procès contre le politologue et journaliste d’investigation Charles Onana s’est ouvert hier devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. Poursuivre un homme qui documente et dénonce les crimes commis en RDC en totale impunité durant le conflit le plus meurtrier depuis la deuxième guerre mondiale, répertoriés en partie par le rapport Mapping publié par l’ONU il y a 14 ans, alors que les commanditaires de ces crimes ont droit à un tapis rouge lors de leur passage à Paris, fait la honte de la France, souvent présentée comme le pays des droits de l’Homme. Gageons que ce procès politisé ne conduise pas à une nouvelle injustice. Nous exprimons notre soutien à M. Charles Onana : la vérité finit toujours par triompher. Le peuple congolais qui résiste et survit à la barbarie de la région des Grands lacs africains est avec vous. » Dénis Mukwege.
La réaction de Denis Mukwege, lauréat du Prix Nobel de la Paix, à l’affaire Charles Onana soulève de graves questions sur la véritable nature de son engagement en faveur des droits de l’Homme et de la justice. Dans son tweet de soutien à Charles Onana, connu pour ses positions révisionnistes sur le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, Mukwege met en lumière une fracture entre son image publique de défenseur de la paix et des droits humains, et sa prise de position dans cette affaire qui flirte dangereusement avec le négationnisme et la banalisation de l’idéologie génocidaire.
L’affaire Onana est révélatrice des forces derrière la propagation de la haine anti-Tutsi et la négation des atrocités commises au Rwanda. Les messages de soutien à Onana, notamment des Congolais qui prient pour sa victoire au procès, montrent que cette idéologie trouve écho au sein de certaines franges de la société congolaise. Mais la prise de position de Mukwege, figure mondiale acclamée pour son travail en faveur des femmes victimes de violences sexuelles, est particulièrement troublante. En soutenant un homme dont les écrits attisent les tensions ethniques et minimisent l'horreur du génocide, Mukwege fragilise sa propre réputation et la cause qu’il prétend défendre.
Le tweet de Mukwege ne se contente pas de critiquer le procès d’Onana. Il va plus loin en suggérant que ce dernier est une victime d'une injustice politique, et que ceux qui dénoncent les crimes commis en République démocratique du Congo (RDC) sont persécutés. Mukwege lie ainsi le procès d'Onana au rapport Mapping de l'ONU, un document qui énumère les crimes de guerre en RDC. Mais ce rapprochement est fallacieux, car le rapport Mapping, bien qu’important, n'a rien à voir avec les thèses révisionnistes d’Onana sur le Rwanda, et son invocation ici semble être une tentative de détourner l'attention du véritable sujet : les mensonges d'Onana sur le génocide des Tutsi.
La question se pose alors : Mukwege mérite-t-il encore le Prix Nobel de la Paix? On peut légitimement se demander si l’aura de sainteté qui entoure sa personne est méritée. Derrière l’image de « l’homme qui répare les femmes » – une appellation popularisée par des journalistes comme Collette Braeckman – se cache une réalité plus nuancée. D’autres médecins et humanitaires ont mené des actions tout aussi importantes en RDC, mais sans bénéficier de la même couverture médiatique. Mukwege semble avoir su manipuler les chiffres et l’opinion publique pour se positionner comme le champion de la lutte contre les violences sexuelles, alors que son travail, bien que louable, n’est pas aussi unique ou révolutionnaire qu’on pourrait le croire.
En outre, son soutien à un propagateur de mensonges tels que Charles Onana devrait inciter à une réflexion plus profonde sur son véritable engagement en faveur de la paix et des droits humains. Peut-on accorder un Prix Nobel de la Paix à quelqu’un qui soutient une figure aussi controversée et divisive? Peut-être que le moment est venu de réévaluer cet honneur, et de se demander si Mukwege est encore à la hauteur du symbole qu’il est censé représenter.
Il est impératif de maintenir la vigilance face aux dérives idéologiques qui, sous couvert de lutte pour la justice, propagent des discours dangereux. Mukwege, en apportant son soutien à Onana, se place du côté des semeurs de haine et de mensonges, et non de la réconciliation et de la vérité.
Le 09 octobre 2024
Paul KABUDOGO RUGABA
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