Sous ce titre, nous nous efforçons de faire vivre notre histoire très riche mais menacée par l’oubliée, faute d'écrits. Nous en sommes au 7ème chapitre.
Récemment, dans l’article constituant notre 6ème chapitre, nous avons évoqué les circonstances entourant la mort de l'honorable Gisaro, une disparition suivie d'une série de persécutions qui ont profondément marqué la communauté Banyamulenge. Confrontés à un manque de représentation politique significative, ces derniers ont été exploités par des acteurs malveillants cherchant à semer la discorde et la haine.
Par ailleurs, le Kivu a été confronté à une pression économique croissante, notamment en raison de la présence de réfugiés rwandais qui ont fui les massacres de 1959 et qui, une fois en RDC, ont prospéré dans la région, tandis que les habitants locaux ont souvent fait face à des difficultés économiques. Cette disparité a exacerbé les tensions sociales et économiques, fournissant l'eau au moulin aux semeurs des troubles.
Dans ce contexte, le Kivu s'est constitué en partie civile pour contester la loi 72-002 du 05 Janvier 1972, qui accordait la nationalité collective aux réfugiés rwandais. Cette contestation a révélé l'implication du régime Habyarimana, qui, inquiet de l'émergence de potentiels opposants à ses frontières, a manipulé l'enquête pour propager son idéologie anti-Tutsi. Ce fut l'époque de l'emergence de la théorie conspirationiste de l'"empire Hima-Tutsi. Il exhibait, comme preuve, des certificats de naissance des certains dignitaires tutsi travaillant dans le gouvernement de l’ex Zaire afin de les discrediter.
La loi en question a été abrogée, mais les réfugiés, fort de leur position à la présidence de la République, ont enregistré leur tribu au Bureau des Statistiques de la Fonction Publique comme "Tutsis du Zaïre". Cependant, la loi no 82-002 du 29 Juin 2981 a finalement abrogé la Tribu Tutsie du Zaïre, reconnaissant plutôt les Banyamulenge comme la seule tribu Tutsie autochtone établie sur le sol congolais depuis le XVème siècle.
Les Banyamulenge : Une Communauté autochtone en Quête de Reconnaissance Politique et Ethnique
L'honorable Gisaro, un politicien visionnaire, avait anticipé ces événements et décidé de promouvoir le nom des Banyamulenge bien avant que leur reconnaissance ne devienne une question cruciale. Cette reconnaissance politique et ethnique était essentielle pour assurer la protection et les droits de la communauté Banyamulenge dans le paysage politique et social du Congo.
À une époque où les Banyamulenge étaient une minorité peu visible à Kinshasa, a posteriori vulnerable, leur représentation politique et leur identité ethnique étaient fortement compromises. Avec seulement sept familles présentes dans la capitale, dont trois civiles et quatre militaires, ils se trouvaient confrontés à une communauté rwandaise puissante et bien établie dans tous les secteurs, y compris la politique. Cette situation rendait difficile la promotion du nom "Banyamulenge", souvent perçu négativement par certains membres de la communauté rwandaise.
La mort soudaine de Gisaro Muhoza, un leader politique Banyamulenge, a laissé la communauté orpheline dans une position encore plus précaire.
La communauté Banyamulenge à Kinshasa, principalement composée d'étudiants regroupés au sein de l'association « Umwonga », ce qui signifie « l'écho », a essayé de lutter pour préserver son identité malgré la pauvreté, le manque d'expérience et l'absence de leadership établi. Leurs efforts pour faire entendre leur voix et obtenir une reconnaissance politique étaient entravés par des obstacles.
Ils étaient comme une aiguille perdue dans une botte de foin lors de toutes les manifestations sociales, culturelles, politiques et économiques. Mus par la compassion, certains professeurs de l'Université de Kinshasa, comme Rwanyindo Ruzirabwoba et Ndeshyo, respectivement des facultés d'économie et de droit, conscients du problème imminent qui se pointaient à l'horizon, ont tenté d'intégrer les Banyamulenge dans les présentations culturelles. Selon eux, la politique du siège vide ne pouvait en aucun cas résoudre le problème de la non-reconnaissance.
Cependant, face au défi que traverse encore la communauté banyamulenge - la perte de leur culture sous prétexte que toute manifestation culturelle est une pratique païenne - il était difficile de reconstituer immédiatement leur patrimoine culturel. Seul Kanta, alors étudiant à l'Institut Pédagogique National (IPN), a réussi à présenter une danse à la radio et télévision du Zaïre. Cette danse a suscité une grande émotion, non seulement au sein de la communauté banyamulenge, mais aussi à travers toute la ville de Kinshasa.
Avec une perception négative de leur propre culture, les Banyamulenge sont restés très réticents à former une troupe culturelle permanente.
À l'instar des autres Tutsis sur les campus universitaires et dans les instituts supérieurs, les étudiants banyamulenge, sous l’influence de leurs camarades originaires de la région du Kivu, étaient rejetés par le bloc Est des étudiants. Ce bloc était principalement constitué de ressortissants de la partie Est de la RDC, d'où ils étaient eux aussi originaires. En tant que minorité infime, ils étaient incapables de peser dans les négociations avec le bloc Ouest.
Ces blocs se formaient à la veille des élections des représentants des étudiants au sein des universités et des instituts supérieurs. Au fil du temps, ces blocs sont devenus des groupes antagonistes, voire ennemis. Les ressortissants du Nord-Kivu, plus nombreux, ont réussi à se coaliser au sein d'une association regroupant tous les Tutsis, y compris les autochtones et les réfugiés de 1959. Consécutivement à leur rejet par le bloc Est, ils ont trouvé un accord avec le bloc Ouest pour élire les représentants, leur permettant ainsi de bénéficier de quelques postes.
Ailleurs, dans d’autres universités situées dans les régions de l'ex-Zaïre, comme Lubumbashi et Kisangani, le nombre d’étudiants banyamulenge devenait de plus en plus important et ils étaient relativement mieux intégrés, en dépit des fausses accusations proférées par leurs camarades kivutiens issus des tribus telles que les Babembe, Bafulero, Bashi, Barega, Bahunde, Nande, etc. Il en était de même dans les instituts supérieurs, qui à l’époque étaient plus nombreux et présents dans toutes les régions. Malheureusement, la propagande a été une bombe à retardement qui a eu, plus tard, des effets néfastes qui persistent jusqu'à aujourd'hui.
Craignant d'être représentés par des réfugiés, ce qui pourrait être utilisé à priori comme preuve de leur non-citoyenneté par leurs ennemis, les Banyamulenge à Kinshasa, ont choisi de rester neutres. Ils ont préféré être appelés Banyamulenge plutôt que Tutsi. Le nom de Banyamulenge est ainsi emblématique, incarnant une lutte pacifique et une résistance face à une oppression politique.
Joseph Mutambo, considéré comme un espoir pour la relève, voit sa candidature au conseil législatif rejetée, tandis que son mandat à l'ISTM Kinshasa expire, le laissant sans emploi. Engagé par un Rwandais, probablement, avec la condition de ne pas s'impliquer en politique, il reste silencieux sur la scène politique pour assurer sa sécurité financière, malgré les attentes de la communauté.
Cette situation de non-représentabilité a ouvert une brèche aux ennemis des Banyamulenge, de plus en plus nombreux. Malgré leur distance du Kivu Holding, l'impact politique de leur propre organisation est resté très limité. La mutualité présidée par feu Dr. Osée Mutambo n'a pas été suffisamment active dans la promotion de l'identité Banyamulenge. Serait-ce par insouciance ou peut-être pour ne pas compromettre le travail de son frère aîné ? Ces défis complexes ont mis en lumière la nécessité d'un leadership fort et d'une action concertée pour garantir la reconnaissance et la protection des Banyamulenge à Kinshasa.
2. Tensions politiques et violence électorale sur les Hauts Plateaux en 1987 : une affaire tragique
En 1987, au sein de la communauté des Banyamulenge, une série d'événements tragiques a marqué les élections et mis en lumière les tensions politiques profondes dans la région. Non seulement les Banyamulenge ont été privés de leur droit de se présenter comme candidats à la députation, mais ils ont également été empêchés de voter, déclenchant ainsi un conflit qui a abouti à des pertes humaines.
Les hauts plateaux, territoire ancestral des Banyamulenge, ont toujours été un lieu de vie difficile, mais également un symbole de résistance. Cependant, en 1987, cette résistance a été mise à rude épreuve lorsque les organisateurs des élections ont décidé d'opter pour le vote nocturne dans les villages de Babembe et Bafuliro. Cette décision a été perçue comme une tentative délibérée de priver les Banyamulenge de leur voix et droit politiques, renforçant ainsi leur sentiment d'exclusion.
Le lendemain du vote, alors que les urnes étaient prêtes à être transportées, les Banyamulenge ont bloqué la route, exigeant le droit de voter., les organisateurs ont réagi de manière violente déclenchant ainsi des affrontements qui ont eu des conséquences tragiques. Face à leur entêtement, le banyamulenge se sont déterminé et ont détruit les urnes
À Kipupu, l'escalade de la violence a atteint son paroxysme, avec la perte de vie de deux personnes de chaque camp. Cette escalade a provoqué un choc dans les communautés alimentant un cycle de violence et de représailles qui ont laissé une marque indélébile dans l'histoire de la contré. En conséquence, une série d'incarcérations en chaîne a eu lieu, marquant un tournant sombre dans l'histoire des Banyamulenge.
Grâce aux efforts conjugués de la communauté et des membres résidant à Kinshasa, Assoni Ntwari, alors lieutenant, parvint à expliquer aux autorités que les Banyamulenge n’avaient pas refusé de voter, comme le prétendaient leurs détracteurs, mais avaient été frustrés par la privation de leur droit inaliénable de vote.
3. Assoni Ntwari : Un Leader Banyamulenge pour combler le vide.
Même au cœur des situations les plus désespérées, il y a toujours ceux qui se lèvent pour combler le vide. " La nature a horreur du vide" dit-on. C'est ainsi qu'Assoni Ntwari, lieutenant à l'époque, bien que confronté à une position délicate en tant que militaire et officier subalterne, a bravement pris les devants pour défendre les intérêts de sa communauté.
Grâce à ses efforts, le chemin de l'École des officiers (EFO), qui était jusque-là fermé aux personnes de morphologie tutsi, a été rouvert aux Banyamulenge. Le nombre d'officiers issus de cette communauté est passé de 2 à 15, avec un capitaine en sa personne, un lieutenant et 14 sous-lieutenants. En utilisant le jargon militaire, on peut dire qu’il est incontestablement 'ancêtre (le pionnier) des officiers Banyamulenge. Avant lui, la communauté n'avait jamais eu un officier.
Plus tard, devenu capitaine, Assoni Ntwari travaillait comme auxiliaire au ministère de la Justice Nationale, au Bureau du Contentieux et de la Nationalité. Il s'est efforcé de prouver devant la justice que les Munyamulenge sont des autochtones congolais à part entière, par opposition aux Tutsis réfugiés, immigrants et infiltrés, afin qu'ils puissent bénéficier des droits accordés aux autres nationaux. Il convient de noter que le grade de capitaine était le plus élevé jamais atteint par un Munyamulenge.
Grâce à son intervention décisive, Me Ndateba Bigege, dont le dossier était bloqué, il a finalement été accepté comme membre du barreau. Lorsqu'on lui avait demandé de fournir un témoin attestant qu'il était Munyamulenge et non un réfugié rwandais, Ndateba avait immédiatement cité Joseph Mutambo en premier lieu. Malheureusement, on lui a répondu que "celui-ci était considéré comme un réfugié rwandais, car il n'a pas légalement revendiqué ses droits après avoir été retiré de la liste des candidats députés".
Lors de la conférence nationale souveraine, il avait été constitué une délégation pour déposer et défendre le mémorandum de la communauté. Le feu Irabona MUSHISHI dans ses démarches est parvenu à avoir une copie du Draft des Résolutions de la Conférence Nationale souveraine (CNS) avant sa lecture dans la salle : il n'y était fait aucune mention du dépôt du mémorandum des Banyamulenge. Le capitaine Assoni accoucha quelques tableaux glanés dans les Documents à sa possession sur Trois pages, écrivit une fiche au Chef d'État-Major Général des Forces Armées Zaïroises, le Général Mahele Lieko Bokungu, par voie hiérarchique, en annexant son texte, pour demander l'autorisation de plaider la cause de l'honneur de sa famille intentionnellement diffamée à la CNS. Il obtint même la recommandation auprès du Président de la CNS, Monseigneur Monsengwo Pasinya.
Il avait appris que sur 18 membres du Bureau Contentieux et Nationalité, le Kivu ancienne occupait 12 qui faisaient passer tous leurs mensonges. Il demanda au Président de la CNS quatre témoins non originaires du Kivu. Parmi lesquels l'abbé Bangabane, secrétaire particulier de Monsengwo, Soki Fwani Éyenga, ministre et l'ambassadeur Kangwenyenye. Le mémoire de licence de Mahano était leur document de référence. D'après lui, le premier munyamulenge arrivé à Uvira était Kayira, mentionné Kaila dans les archives. Il serait arrivé en 1922 et il justifiait la Guerre Mahina par cette intrusion indésirable. Mahano était coopté expert dans l'ombre, pour les questions du Sud-Kivu. Le capitaine demanda, par motion, qu'il soit associé au débat contradictoire. Mahano a été publiquement humilié. Fort de l'avantage acquis, par motion, le Cpt Assoni demanda que le débat soit plutôt transféré à l'Unikin où il a défendu le tissu du mensonge, dont l'objectif était la diffamation de sa famille, car le mémoire de la diffamation devrait être déchiré. Là, Mahano paniqua. Les autres durent intervenir en sa faveur en ses termes:" Capitaine tu exagères quand même. Un document reste scientifique tant qu'il n'est pas contredit. Si cela arrive, il cesse de l'être, mais il ne peut faire objet des poursuites judiciaires et la saisie du Document”. Assoni conclut son propos en disant, "Que l'auguste Commission note que le Document Mahano cesse désormais d'être scientifique car devant la Commission Contentieux et Nationalité de la CNS, il a été prouvé qu'il était plutôt une diffamation.
En 1989, le gouverneur de la province du Shaba, Mwando Simba, a lancé une opération visant à saisir les cartes de citoyenneté des Banyamulenge résidant à Moba et Vyura. En réponse à cette injustice, une délégation composée de Musirimu, Rurondo et Gakunzi a été dépêchée à Kinshasa pour présenter les doléances de la communauté.
C'est à ce moment-là que le capitaine Assoni a de nouveau fait preuve de bravoure dans toutes les négociations menées par la délégation. Consacrant son temps et son énergie sans réserve, jour après jour, il a non seulement frappé aux portes des ministères et des hauts responsables pour mettre en lumière la discrimination dont les Banyamulenge étaient victimes, mais il a également logé la délégation pendant des mois.
Pendant plusieurs années, il a été le principal intermédiaire entre le pouvoir de Kinshasa et non seulement, la communauté Banyamulenge, dépourvue de représentation officielle, mais aussi les Tutsis du Nord Kivu, devenus vulnérables sous l’effet de la propagande et des révisions constitutionnelles qui, c’est le secret de polichinelle, visaient principalement les Tutsis,. Dans un environnement politique de plus en plus hostile aux Tutsis, cette tâche n'était pas facile. Malgré cela, il a tenu bon, assurant ainsi la défense de sa communauté. Certains anciens dignitaires, comme Denis Semadwinga et d'autres, lui demandaient de temps en temps d’intervenir lorsque leurs biens étaient saisis illégalement.
Son parcours au sein de l’armée n'a pas connu l'ascension attendue, en raison de divergences d’opinion avec la RCD, un parti rebelle opposé au pouvoir de Laurent Kabila de 1998 à 2002, auquel il avait de facto adhéré. Du coup, il est devenu un réserviste éternel au grade du colonel qui qui ne connait plus de promotion depuis lors. La RCD est le 2eme parti après l’AFDL dont les Banyamulenge ont été des reposables attitrés. Bien que nous devions beaucoup à ce parti, nous lui reprochons également bon nombre des failles.
Assoni Ntwari incarne ainsi la lutte incessante pour la reconnaissance et la justice des Banyamulenge, défendant courageusement leur identité et leurs droits dans un contexte complexe et souvent hostile. Par son engagement indéfectible, il mérite sa place parmi les héros qui ont marqué l’histoire des Banyamulenge.
Bien que pas très influent faute de fonction, il continue à intervenir et à plaider auprès des instances concernées pour la cause des victimes d'arrestations arbitraires qui croupissent dans les cachots et prisons de Kinshasa. Le cas le plus récent est celui du Major Musabwa Olivier, qui a passé plus d’une année en prison pour une affaire montée de toutes pièces et politisée pour le destituer de ses fonctions qu'il remplissait loyalement. C'est la nouvelle carte utilisé par le regime de Kinshasa comme pretexte pour commettre un genocide à petit feu contre les Tutsi en general.
4. Les comités de la communauté Banyamulenge : symbole de résilience
Loin de la capitale Kinshasa, dans des centres tels qu'Uvira et Bukavu, les comités de la communauté Banyamulenge se sont érigés en remparts contre les crises orchestrées par les autorités administratives pour exploiter les pauvres Banyamulenge, désormais sans défense. Il était de notoriété publique que nommer un procureur ou un commandant ou un Redoc de la ville à Uvira, revenait à lui donner carte blanche pour construire sa fortune personnelle. Il suffisait d'incarcérer arbitrairement les modestes paysans des montagnes pour que des troupeaux de vaches soient vendus afin d'assurer leur libération. Ces comités, intervenant à tout moment, étaient essentiels pour gérer de telles situations. En leur absence, les individus risquaient de périr oubliés dans les cachots de torture de "Mbwa mabe", qui signifie "Chien méchant".
Il existait et persiste toujours des barrières qui se dressent de manière ponctuelle ou plus ou moins permanente aux entrées de la ville de Vira, et même à travers la ville, ciblant exclusivement les Banyamulenge. À l'époque où Makenga était au Sud-Kivu, il avait réussi à les démanteler, mais peu après, le phénomène a ressurgi. Sur la route Uvira-Kamanyola, des coupeurs de routes, issus des groupes armés Maimai et des rebelles burundais, kidnappent les passagers au faciès tutsi, parfois pour les assassiner, parfois pour exiger d'énormes rançons en échange de leur libération.
Un hommage mérité est rendu à ces comités qui, malgré les obstacles, ont résisté avec détermination. Ils incarnent la résilience et la détermination face à l'oppression et à l'exploitation. Ils sont les gardiens de leur communauté, défendant les droits et la dignité de ceux qui seraient autrement abandonnés à leur sort. Leur travail reflète l'esprit de solidarité qui anime les Banyamulenge et mérite d'être célébré et soutenu. En reconnaissant leur contribution, nous leur disons : chapeau bas, vous êtes des héros. Nous nous engageons à unir nos efforts aux leurs pour lutter contre l'injustice et construire un avenir où chacun est traité avec équité et respect.
En dépit de leurs efforts, le problème persiste et prend une ampleur inquiétante, revêtant même une connotation politique à travers le pays. À Bukavu, des dizaines de personnes sont régulièrement emmenées à Kinshasa sans motif valable, pour y être arbitrairement emprisonnées. Leurs maisons sont fouillées voir excavées sans discernement à la recherche d'armes inexistantes, dans le seul but de persécuter la communauté des Tutsi en République Démocratique du Congo (RDC).
Cette persécution ne se limite pas à une région spécifique ; elle sévit à Goma, à Kindu, à Kinshasa, et dans d'autres provinces, où le simple fait d'avoir un certain visage est synonyme de proscription. Ces actes visent à éradiquer la présence des Tutsi en RDC, les forçant à quitter leur terre ancestrale.
5. Commission d’enquête parlementaire, dénommée « Commission Vangu »
La Commission d’enquête parlementaire, connue sous le nom de « Commission Vangu », dirigée par Gustave Vangu Mambweni, Deuxième Secrétaire au Bureau du Hcr-Pt de 1994 à 1997, et Anzuluni Bembe, Président du parlement, a amalgamé les Banyamulenge et tous les Tutsis, qu'ils soient autochtones ou réfugiés. L’enquête s'est principalement déroulée en RDC mais le rapport a été secrètement redirigé à Gisenyi, à l’époque de Habyarimana. Il est facile de percevoir la manipulation orchestrée par le MRND et les résultats chaotiques qui en ont découlé. Effectivement, les résolutions de la Commission Vangu ont marqué le début d’une période cauchemardesque pour les Banyamulenge.
En effet, à la suite de sa publication, les provocations se sont multipliées, les exactions ont été amplifiées, et aucun signe de retenue n'a été observé. Les politiciens ont encouragé une culture d'intolérance, présentant les calomnies comme la volonté du peuple. Ceux qui ont attaqué, pillé, humilié et tué ont été acclamés. Les crimes ont été qualifiés de simples actes de colère populaire pour en minimiser la gravité. Les Interahamwe et les ex-FAR du Rwanda, avec leur idéologie génocidaire, ont été accueillis non pas comme refugiés mais comme un renfort. Les Banyamulenge ont été poussés dans une guerre tactiquement et stratégiquement suicidaire. Convaincus de leur supériorité numérique, militaires et économique, et par conséquent de leur victoire, les ennemis de banyamulenge les ont poussés jusqu’à une guerre au force disproportionnées. Effectivement, c’était inévitable, le génocide a déclenché. Malheureusement, se battre selon les plans de l'ennemi ne ferait qu'aggraver les pertes et mènerait à l'anéantissement total des Tutsi en RDC. Cela servirait à ériger un Congo exclusivement bantu.
À ce stade, il est extrêmement difficile pour un Munyamulenge, même juriste et éloquent, de distinguer la vérité du mensonge. Bien que les juristes puissent mener des recherches, il est impératif de trouver des avocats internationaux, notamment belges, pour contourner la cacophonie juridique congolaise et le règne de la majorité ethnique, qui s'est muée en dictature ethnique, bien pire que l'apartheid, au détriment de la démocratie. Malheureusement, la Belgique préfère soutenir le pouvoir en place privilégiant sauvegarder ses relations diplomatiques avec la RDC pour ses propres intérêts.
6. Pourquoi le nom Banyamulenge et pas celui de Tutsi
Depuis des décennies, la confusion règne entre les termes "Tutsi" et "Banyamulenge", souvent utilisés de manière interchangeable par les médias, les politiciens et même certaines communautés locales. Cependant, cette confusion masque des réalités historiques, culturelles et politiques distinctes qui méritent d'être clarifiées.
Les Tutsi sont un groupe ethnique majoritairement présent au Rwanda, au Burundi et dans certaines régions de la République démocratique du Congo (RDC), notamment dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Ils partagent des caractéristiques culturelles et linguistiques avec les Hutu et les Twa, les deux autres principaux groupes ethniques de la région des Grands Lacs.
Les Banyamulenge, en revanche, sont une communauté spécifique de Tutsis vivant principalement dans les Hauts-Plateaux du Sud-Kivu, en RDC. Leur nom, "Banyamulenge", signifie littéralement "les gens de Mulenge", une localité dans cette région. Bien que les Banyamulenge partagent des racines ethniques avec les Tutsis du Rwanda et du Burundi, leur identité s’est façonnée au fil des siècles à travers des interactions et des conflits locaux, ainsi que par leur adaptation à l’environnement géographique et sociopolitique congolais.
La distinction entre les Banyamulenge et les autres Tutsis est devenue particulièrement importante dans le contexte des conflits régionaux, où des amalgames simplistes ont souvent alimenté les tensions ethniques.
La confusion entre les noms Tutsi et Banyamulenge a eu des conséquences graves. D’une part, elle a exacerbé les tensions ethniques en RDC, où les Banyamulenge et leur frères du nord -Kivu sont parfois perçus comme des étrangers ou des envahisseurs en raison de leur association avec les Tutsis du Rwanda. D'autre part, cette confusion a compliqué les efforts de paix et de réconciliation, rendant difficile la reconnaissance des revendications spécifiques de chaque groupe.
De plus, cette confusion a affecté la représentation et la protection des droits des Banyamulenge. En étant constamment assimilés aux Tutsi du Rwanda, leurs besoins et leurs défis spécifiques sont souvent négligés ou mal compris par les autorités locales et internationales.
Pour avancer vers une paix durable et une meilleure compréhension mutuelle, il est crucial de reconnaître et de respecter les identités tel que chaque groupe veut s’identifier. Cela implique une éducation accrue sur l’histoire et la culture de chacun, ainsi qu’une sensibilisation aux conséquences des amalgames simplistes. Pour les Banyamulenge, ce nom est un symbole de résistance que ses détracteurs n’arrivent pas à noyer facilement. Il représente une histoire. Reconnaître cette distinction est essentiel pour améliorer les relations interethniques en RDC et favoriser un climat de paix et de respect mutuel dans la région des Grands Lacs.
Les médias, les chercheurs et les décideurs politiques ont un rôle clé à jouer dans cette démarche. En utilisant les termes appropriés et en évitant les généralisations, ils peuvent contribuer à réduire les tensions et à promouvoir une compréhension plus nuancée des dynamiques régionales.
le 11 mai 2024
Paul Kabudogo Rugaba
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