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Paul KABUDOGO RUGABA

Analyse des Incidents de 2017 à 2022 : Une Vision Critique des Rapports de KST et de la MONUSCO

1. Introduction

Une équipe de trois chercheurs, Delphin Ntanyoma, Fidèle Sebahizi, et Prosper Baseka wa Baseka, a analysé les rapports de KST (Kivu Security Tracker) et de la MONUSCO (Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo) sur les incidents survenus entre 2017 et 2022 dans le cadre des conflits armés des Hauts-Plateaux d’Itombwe. Leur synthèse chiffrée présente les résultats suivants :

  1. 119 incidents attribués à Gumino/Twirwaneho-Makanika et leurs alliés

  2. 112 incidents imputés aux Maï-maï /Biloze Bishambuke, parfois associés aux rebelles burundais Red-Tabara

  3. 61 incidents impliquant des hommes armés non identifiés

  4. 25 incidents liés aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC)

L'analyse de Delphin Ntanyoma, et son équipe  soulève des questions cruciales sur la véracité et l'objectivité des rapports de KST et de la MONUSCO concernant les incidents de 2017 à 2022. Ils concluent que la communauté Banyamulenge, au cœur de ces conflits, est souvent mal présentée et que leurs souffrances sont sous-estimées dans les rapports internationaux.

Inspirés par leurs observations, nous proposons une analyse comparative entre les rapports et la réalité vécue par la communauté meurtrie. Une telle confrontation est nécessaire pour révéler les manipulations à tous les niveaux et mettre en lumière les biais significatifs des rapports de KST et de la MONUSCO, qui masquent la réalité du conflit. Une réévaluation de ces rapports est nécessaire pour fournir une image plus précise et équitable de la situation sur les Hauts-Plateaux d’Itombwe.


2. Répartition des Groupes Armés : Une Fausse Équivalence

Les rapports KST de et de la MONUSCO amalgament Gumino et Twirwaneho, suggérant que les Banyamulenge disposent de groupes armés unifiés. Pourtant, il est bien connu que peu avant 2017, les Gumino sont devenus une milice satellite du gouvernement. Cette affiliation est évidente à plusieurs égards.

Avant de passer à cette démonstration, il importe de préciser que le Gumino est actuellement un groupe armé fantôme. Il n’existe que de nom. Une armée qui compte à peine une dizaine de personnes ne devrait pas défrayer la chronique. Toutefois, il est là comme instrument du gouvernement pour jouer le trouble-fête.

Au fil du temps, ce groupe, autrefois considéré comme déserteur par le pouvoir de Kinshasa, a commencé à se rapprocher de la capitale. Ce rapprochement a été suivi par un changement d’attitude. Les protecteurs des Banyamulenge d’hier sont devenus les bourreaux de leurs protégés. Des personnalités, parmi lesquelles des notabilités, ont été battues à mort sans autre recours possible.

Depuis le début des massacres des Banyamulenge en 2017, les Gumino ont démontré une indifférence notable face à la tragédie que vit cette communauté, trahissant ainsi leur raison d’être. Le terme Gumino peut se traduire littéralement par « restons ici », c’est-à-dire « résistons ». Ce groupe s’est formé en réaction à l’attitude et à la tendance du gouvernement et de son armée, les FARDC, de marginaliser de plus en plus les Banyamulenge, les traitant comme des apatrides envahisseurs et les menaçant de les chasser. En effet, depuis les attaques de 2017, les Gumino n’ont plus jamais pris la défense de la communauté Banyamulenge, acculée par des attaques quotidiennes de tous azimuts. Cette attitude a marqué le point de rupture entre Nyamusaraba et   le feu Semahurungure qui, lui, a choisi de défendre sa communauté.

À l’instar des Maï-Maï et Biloze Bishambuke, le groupe Gumino n’a jamais été attaqué par les FARDC. De plus, il n’a jamais été attaqué par les coalitions Maï-Maï, comme ce fut le cas pour les Twirwaneho, qui eux, défendent réellement les opprimés. Ils n’ont pas non plus été inquiétés par les forces burundaises déployées sur les Hauts-Plateaux d’Itombwe pour épauler les FARDC, avec lesquelles ils côtoient régulièrement.

Après une période de prétendue neutralité, les Gumino ont révélé leur véritable position d'ennemi des Twirwaneho, soit en les attaquant directement, (le dernier incident étant celui de Kitoga vers Rurambo,) soit en s’alliant aux Wazalendo, les favoris du gouvernement et les pires ennemis des Banyamulenge.

Si les Gumino n’étaient pas les alliés du gouvernement, comment expliquer que leurs chefs basés à Kinshasa continuent de vivre sous la protection des FARDC et de l’autorité congolaise ?

KST et la MONUSCO sont bien informés jusqu’au moindre détail mais produisent des rapports qui ne reflètent pas la réalité. Pourquoi ? Tous ces indices convergent pour démontrer que les experts onusiens et de KST ne sont pas aussi neutres qu’on le pense.


3. Objectif du Conflit Caché: Extermination et Déracinement de Banyamulenge

Il est crucial de reconnaître les véritables dynamiques en jeu et de mettre en lumière la souffrance et les injustices subies par les Banyamulenge. Une analyse plus équitable et approfondie est nécessaire pour comprendre pleinement cette tragédie si l’on veut réellement œuvrer pour la paix. Cependant, les rapports de KST et de la MONUSCO n'exposent pas l'objectif réel de cette guerre, qui est de déloger les Banyamulenge et de les renvoyer dans l’errance, voire de les exterminer.

Les discours de haine et les incitations à la violence de certains leaders d’opinions et politiciens, y compris le président de la République, abondent et sont sans équivoque à ce sujet. Ils appellent à la chasse à l’homme et se manifestent à travers toutes les formes de médias. Ces discours haineux, autrefois confinés aux coulisses sous forme de tracts anonymes, sont désormais exprimés ouvertement et de manière spectaculaire, particulièrement lors des campagnes électorales. Ces appels à la violence sont bien connus et accompagnés de faits au point où même les fœtus pourraient en être conscients. Ce n’est pas la documentation qui manque.

Que les messages soient lancés par des associations, des individus, des hommes politiques, des ONG, des religieux ou des laïcs, des civils ou des militaires, tous ne font que diaboliser, stigmatiser et déshumaniser une seule tribu : les Banyamulenge. La conséquence est que seuls les membres de la communauté Banyamulenge, leurs villages et leurs biens sont ciblés.

La violence dans cette région est alimentée par la propagande et les discours de haine diffusés à travers les médias sociaux, souvent décrits par la MONUSCO et le KST avec une légèreté singulière ou de manière évasive, sans attribuer la part de responsabilité. Dans ces propagandes, les Banyamulenge sont systématiquement dépeints de manière négative, avec un biais en faveur de la négation de leur statut civil souligne l’observation de l’équipe de chercheurs. Les attaques des Maï-Maï/Biloze Bishambuke sont souvent présentées par la MONUSCO et le KST comme des affrontements entre groupes armés, alors qu’il s’agit en réalité d’un génocide visant des civils Banyamulenge. En revanche, les attaques des Twirwaneho sont dramatisées, donnant l'impression qu'ils sont une force puissante et offensive ciblant fréquemment les civils, ce qui est loin de la réalité.

 

a) La Responsabilité du Gouvernement dans le Conflit Sanglant: Une Omerta dans les Rapports de KST et de la MONUSCO

Il est de notoriété publique que le gouvernement de la RDC est le principal instigateur de la guerre à l’est du pays. Pourtant, les rapports de KST et de la MONUSCO ne dénoncent pas clairement cette responsabilité. Derrière le masque des groupes armés Wazalendo, se cache en réalité un plan gouvernemental visant à expulser une partie de la population, en particulier ceux appartenant au groupe ethnique Tutsi. Les divers groupes Maï-Maï, maintenant rebaptisés Wazalendo, ne sont que les exécutants de ce sombre dessein.

Les Maï-Maï, désormais reconnus comme réservistes par le gouvernement, agissent sous la protection d'un silence complice des médias nationaux et internationaux. Ces agresseurs des Banyamulenge n’ont jamais cessé leurs violences. Le 24 juillet dernier, un colloque a réuni les principaux chefs Maï-Maï des territoires de Fizi, Mwenga et Uvira à Baraka, en territoire de Fizi. Facilitée par Bitakwira, fervent adversaire des Tutsi, qui a lui-même déclaré ne pas être en vacances parlementaires mais envoyé par le gouvernement, cette réunion visait à élaborer un plan conjoint pour de nouvelles attaques massives contre les Banyamulenge, survivants des assauts répétés depuis 2017.

Cette résurgence de violence survient au moment où les jeunes des hauts plateaux, toutes communautés confondues, venaient de signer un accord de paix. Il est clair que le gouvernement préfère attiser les flammes de la haine et de la violence plutôt que de favoriser la paix.


b) L'Anthropophagie : Un Phénomène Oublié par les Rapports de KST et de la MONUSCO

Les rapports de KST et de la MONUSCO ne dénoncent pas clairement un phénomène atroce qui continue de sévir dans l'Est de la RDC : l'anthropophagie. Les victimes de ces actes horribles sont souvent des Tutsi, mais parfois aussi des voleurs pris en flagrant délit. Ce phénomène, qui a commencé au Sud-Kivu, s'est ensuite répandu au Nord-Kivu. Bien que certains rapports mentionnent des lynchages, ils omettent délibérément de préciser que les victimes sont dévorées par leurs assaillants, sous prétexte qu’ils sont Tutsi , perçus comme appartenant à une race différente.

Les rapports de KST et de la MONUSCO font état de lynchages sans jamais entrer dans les détails macabres, omettant ainsi l'élément essentiel que ces personnes sont dévorées en public par des humains. Cette omission grave masque la véritable horreur de la situation et empêche une compréhension complète de la haine raciale qui sous-tend ces actes. En outre, aucune enquête n'est menée, et les auteurs ne sont pas poursuivis, illustrant une indifférence gouvernementale alarmante. Cette passivité du gouvernement démontre une fois de plus sa responsabilité dans la perpétuation de la violence.

Les Maï-Maï, parrainés par le gouvernement, diffusent des messages de haine, incitant la population à manger les Tutsi avec de la pâte de manioc, communément appelée « Rowe ». Le gouvernement reste silencieux face à ces incitations à la violence, préférant ne pas intervenir pour calmer les tensions lorsque les Banyamulenge sont agressés. En revanche, lorsqu'un conflit éclate entre les groupes Maï-Maï, le gouvernement intervient rapidement pour le résoudre. Cette disparité de traitement révèle une volonté délibérée de laisser perdurer la violence contre les Banyamulenge.

Les rapports de KST et de la MONUSCO présentent souvent le gouvernement comme dépassé par les événements, alors qu'il en est le principal instigateur. Cette représentation trompeuse protège le gouvernement de la responsabilité de ses actions et de son soutien aux groupes Maï-Maï. En ne dénonçant pas clairement le phénomène d'anthropophagie et en omettant les détails cruciaux, ces rapports contribuent à une perception erronée de la situation et à la stigmatisation continue des Banyamulenge.

Ces faits démontrent clairement que Les Banyamulenge sont les principales victimes de ce conflit, une réalité que la MONUSCO et KST ne veulent pas révéler. Imputer la quasi-totalité des incidents aux Twirwaneho, en position défensive, est une manière délibérée de cacher la vraie nature et les motivations du conflit. D'où vient le chiffre de 119 incidents imputés aux Twirwaneho? Où sont les 119 villages des Babembe, Bavira, Bafulero et Banyindu prétendument détruits par eux? La réponse est simple: de la manipulation.

si ce sont les Banyamulenge, leurs biens et leurs villages qui sont les cibles principales, il est absurde de penser que les Twirwaneho, leur unique protecteur, auraient attaqué leurs propres villages et volé leur propre bétail. Les rapports de KST et de la MONUSCO amalgament les faits pour faire croire que le conflit touche de manière égale toutes les communautés, ce qui est loin d'être la vérité.


c) Minimisation de la Responsabilité des FARDC

Les rapports minimisent la responsabilité des FARDC en minorant le nombre de leurs attaques. Les 25 attaques des FARDC répertoriées ne concernent que celles menées sans la couverture de leurs alliés tels que les Maï-Maï, Biloze Bishambuke et Red Tabara. En réalité, les FARDC ont participé directement ou indirectement à toutes les opérations contre les Banyamulenge, en fournissant un soutien logistique et tactique aux assaillants. Ils ont servi de reconnaissance, ont hébergé et donné passage aux assaillants avec qui ils ont partagé le butin.

Les rapports ne mentionnent pas clairement le rôle ambigu des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), qui ont fourni armes et munitions aux assaillants tout en ordonnant à leurs unités de rester « neutres » face à la destruction des communautés qu'elles sont censées protéger. Les commandants  tels que Katembo, Muhima, Tony, Rugabisha se sont particulièrement  illustrés dans ce affaire.  

KST tend à qualifier les crimes commis par les FARDC comme étant l'œuvre d’« hommes armés non identifiés », brouillant ainsi l'identification des responsables. Par exemple, le 30 juin 2021, KST a enregistré qu'un « homme armé non identifié » a tué un homme dans le village de Madegu, mais la population accuse les FARDC. Le rapport condamne la victime pour ne pas avoir obéi à l'ordre d’arrêter, laissant supposer que KST était au courant de cet ordre mais sans identifier le patrouilleur qui l’a intimé.

Le même jour, les FARDC ont tué quatre femmes Banyamulenge lors d'une manifestation pacifique à Madegu. Les incidents impliquant les FARDC et les attaques contre les Banyamulenge sont souvent mal rapportés ou minimisés.

Ces faits illustrent une tentative délibérée de masquer la complicité des FARDC et de réduire leur responsabilité dans les violences perpétrées contre les Banyamulenge.  


d) Omission des Véritables Dynamiques en Jeu

Il est impératif de reconnaître les véritables dynamiques en jeu dans le déploiement de RED-Tabara et d'autres groupes armés dans le Sud-Kivu. Les arrangements politiques et les intérêts stratégiques des différents acteurs ont transformé cette région en un champ de bataille, ignorant les souffrances et les appels à l'aide des populations locales, notamment les Banyamulenge.

Les rapports omettent de mentionner la longue présence de rebelles burundais opérant dans le Sud-Kivu depuis 2015, alliés avec les milices locales telles que les Maï-Maï et les Biloze Bishambuke. Ces rapports n'ont commencé à mentionner RED-Tabara qu'à la fin du premier trimestre de 2021, coïncidant avec la période où RED-Tabara a commencé à publier plusieurs communiqués sur les réseaux sociaux. Durant cette période, Maï-Maï/Biloze Bishambuke et RED-Tabara ont lancé de nombreuses attaques pour détruire les villages Banyamulenge.

3.d.1 . Historique du Groupe Armé RED-Tabara

Pour rappel de la petite histoire, RED-Tabara (Résistance pour un État de Droit au Burundi) est une faction burundaise qui s'est illustrée par son activité intense depuis le début de la crise politique en 2015. Opposé au régime en place et aux milices à son service, telles que les Imbonerakure, le groupe s’est installé dans le Sud-Kivu, en République Démocratique du Congo, non loin du Burundi. Ce déploiement a été le résultat d'arrangements politiques tacites entre le pouvoir de Kinshasa, sous la présidence de Joseph Kabila, et de Kigali.

Le contexte du déploiement de RED-Tabara dans le Sud-Kivu s'inscrit dans une stratégie similaire à celle des P5, formé par les groupes armés  des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR)  avec ses ramifications et des représentants du Congrès National Rwandais (RNC), un groupe d'opposition dirigé par l'ancien chef chef d’etat major    rwandais, Kayumba Nyamwasa. Leur présence dans les Hauts-Plateaux, au Sud-Kivu, a été négociée par Bujumbura sous Pierre Nkurunziza et Kinshasa sous Joseph Kabila.

 

3d2. Stratégie de Kabila et Implication des FARDC

Joseph Kabila voulait mettre en œuvre une stratégie qu’il avait déclarée : "Nitapiganisha adui kwa adui," ce qui peut se traduire par "j’opposerai l’ennemi à l’ennemi pour l’anéantir." Dans ce contexte, l'ennemi désigné était les Tutsis.

Un élément crucial à considérer est le passage des frontières et l'implication des FARDC. Ces groupes étrangers ont traversé les frontières sans aucune confrontation avec l’armée congolaise. À ce jour, il n’y a jamais eu d’incident entre les FARDC et ces groupes. Bien qu’ils soient potentiellement antagonistes en raison des relations diplomatiques tendues entre le Rwanda et le Burundi et des alliances respectives avec ces pays, ils ne se sont jamais affrontés. Le Burundi avait l’intention d’attaquer le Rwanda en utilisant ses opposants, et le Rwanda, en bon stratège, s’est préparé de la même manière en s’alliant à l’opposition burundaise. Les P5 ont fini par se retirer et se diriger vers la province du Nord-Kivu, où ils ont été interceptés et neutralisés. Cependant, les RED sont restés sur place et sont instrumentalisés pour le déracinement des Banyamulenge.

La MONUSCO, présente sur place, n’a jamais voulu documenter cette situation qui présageait d’éventuels affrontements. La population locale, particulièrement les Banyamulenge, pressentant une guerre probable dans leur terroir offert en champ de bataille gratuitement par le gouvernement, ont dénoncé cette situation. Cependant, ni le gouvernement de la RDC ni la communauté internationale ne les ont écoutés, préférant ignorer leurs inquiétudes et appels à l'aide.

Les visites de personnalités comme Jean-Pierre François Renaud Lacroix, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, de l’ambassadeur français en RDC, et de l’ambassadeur américain Mike Hammer n'ont fait qu’attiser les tueries. On se pose jusqu’à présent la question de savoir quel était leur objectif.

Cette situation est particulièrement hypocrite lorsque les rapports font semblant d’ignorer les faits, et pire encore, lorsqu'ils incriminent l'autodéfense banyamulenge d'agir de connivence avec les groupes étrangers. Avec une telle version des faits, on ne peut pas prétendre éteindre le feu, mais au contraire, on l’attise. Seule une représentation juste et précise des faits peut conduire à des solutions efficaces pour mettre fin à la violence et restaurer la paix dans la région.


4. Oppression, Destruction et Pillage Sous-Estimés

Les rapports de la MONUSCO et du Kivu Security Tracker (KST) ont sous-estimé la destruction des villages et les déplacements forcés qui ont suivi, obligeant des milliers de personnes à fuir. Certains se sont réfugiés à l’extérieur du pays, tandis que d’autres ont été contraints de vivre dans des camps de déplacés aux conditions de vie insupportables. Les Banyamulenge, assiégés dans ces zones, sont régulièrement attaqués et empêchés d'accéder à leurs moyens de subsistance. La destruction des villages et le pillage du bétail ont appauvri davantage cette communauté déjà précaire.

KST a enregistré le pillage de 3 227 vaches par les Maï-Maï/Biloze Bishambuke dans 43 incidents, tandis que les sources locales indiquent un pillage de 450 000 à 500 000 bovins appartenant aux seuls Banyamulenge. Le nombre de tués s’évalue en milliers, sans compter ceux qui croupissent dans les prisons à travers le pays. Plus de 300 villages ont été incendiés. Leur centre de Minembwe a été attaqué environ 224 fois. Bien que ce centre ait survécu, il reste jusqu’à présent une prison à ciel ouvert dont l’unique sortie est par avion. Cette restriction est exclusive aux Banyamulenge, tandis que les membres des autres communautés peuvent circuler librement.

Récemment, lors d'une audience publique de la cour militaire de Kinshasa/Gombe à la prison militaire de Ndolo, un prévenu a eu le courage de dénoncer cette situation avant d’être contraint de retirer ses propos sous prétexte qu’il s’agissait d’un message qui appelle au soulèvement.

Magistrat : Est-ce qu’il y a des discriminations envers les Congolais ? Première question. Et deuxième question : qu’est-ce qu’on dit des Banyamulenge de Fizi ?
Prévenu : Ok, merci pour la question posée par les avocats du ministère public […] Chez nous, à Fizi, il y a une discrimination de la part du gouvernement vis-à-vis des différentes tribus et communautés. Le gouvernement congolais devait sécuriser toutes les tribus, toutes les communautés vivant dans mon espace, dans mon territoire.
Magistrat : Aujourd’hui, vous soutenez cela, vous avez des preuves ?
Prévenu : Oui, j’ai des preuves, je vais vous le dire, je vais l'évoquer ici parce que je suis un notable de Fizi.
Magistrat : La discrimination entre Congolais chez eux ?
Prévenu : Oui, quand les Banyamulenge ne peuvent pas quitter Minembwe pour se rendre à Baraka, quand les Banyamulenge ne peuvent pas quitter Baraka pour se rendre à Uvira, est-ce que vous allez dire que le pays est encore uni ?

Sur ces paroles, le prévenu a été fortement intimidé par un magistrat l'obligeant de retirer sa porole.

Cette diference dans le traitement montre à quel point les rapports sous-estiment l'ampleur des pertes subies par la communauté Banyamulenge et les conditions atroces auxquelles elle est soumise.


5. Les Incriminations continuent

Les rapports les plus récents incriminent à nouveau les Twirwaneho d’être de concert avec les Red-Tabara. Qu’est-ce que cela veut insinuer? Il faut le dire sans ambages : la communauté internationale semble vouloir que le conflit en RDC s’éternise. Il est absurde de croire que tout ce que nous avons décrit ci-haut puisse être des erreurs accidentelles. Il y a un plan monté contre la communauté Banyamulenge dont l’ONU est complice. Nous ne savons pas lequel et pourquoi, mais les faits sont palpables et indéniables.

-Primo. Le fait d’accuser injustement les victimes et de blanchir les agresseurs qui les massacrent. Les Twirwaneho, une milice d’autodéfense, sont régulièrement dépeints comme des agresseurs de concert avec des groupes armés étrangers tels que les Red-Tabara.  Le professeur Lazare Sebitereko, un innocent engagé dans la pacification est en prison sur base des d’incrimination de rapport des prétendus experts. Cette narrative sert à détourner l'attention des véritables responsables des atrocités commises contre la communauté Banyamulenge.

-Secundo. Le fait de refuser toute intervention lorsque les civils membres de la communauté Banyamulenge sont massacrés à moins d’un kilomètre de distance. Cela s’est vérifié à maintes reprises à Minembwe, à Bibokoboko, à Kahololo, à Mibunda etc.  Les forces de l’ONU, ainsi que les autorités locales, semblent délibérément fermer les yeux sur les souffrances de cette communauté, refusant d’intervenir au moment du cauchemar.

-Tertio. Le fait de décamper lorsque la menace sur les Banyamulenge devient de plus en plus pressante. Il y a eu des cas documentés où les forces de maintien de la paix de l’ONU ont retiré leurs troupes alors qu’elles informées des préparatifs, laissant ainsi la communauté Banyamulenge vulnérable aux attaques des groupes armés. Cela s’est vérifié à Bibokoboko et à Kahololo quand ces deux localités ont été détruites.

Le fait ‘accuser injustement le Banyamulenge d’être allié aux étrangers est un plan savamment conçu qui vise à pousser les Twirwaneho dans un piège. La stratégie déjà amorcé par les forces armées burundaise consiste à dissocier les Wazalendo et le Red-Tabara. Attaquer conjointement les Twirwaneho et le Rd-Tabara, pour faire croire à l’opinion que le Twirwaneho et Red-Tabara combattent les uns au côté des autres. Ceci donne la légitimité aux forces burundaises sur lesquelles comptent énormément le FADC de massacrer sans autre forme de procès les civiles Banyamulenge.

Ces points ne sont exhaustifs; les cas typiques sont nombreux. Il ne s’agit pas non plus de simples coïncidences. Ils démontrent une complicité tacite et active de la communauté internationale dans le prolongement du conflit, au détriment des Banyamulenge. Cette dynamique de victimisation et d'abandon systématique de cette communauté soulève des questions sérieuses sur les motivations et les intérêts cachés derrière les actions, ou l'inaction, des acteurs internationaux en RDC.


6. Conclusion

Le traitement biaisé des rapports de KST contribue à une perception erronée de la situation et à la stigmatisation continue des Banyamulenge. Ces rapports devraient être réexaminés pour inclure tous les détails importants, refléter fidèlement la réalité sur le terrain et identifier clairement les responsabilités des différentes parties impliquées. La reconnaissance des actes d'anthropophagie et de la responsabilité du gouvernement est essentielle pour mettre fin à cette violence inhumaine en s’attaquant à la racine du problème. Les Banyamulenge méritent justice et une reconnaissance des souffrances qu'ils endurent, loin des manipulations et des omissions actuelles. Seule une transparence totale et une dénonciation claire des horreurs peuvent conduire à des solutions efficaces et à la restauration de la paix dans la région.

Il est impératif de comprendre que le conflit sur les Hauts-Plateaux d’Itombwe est motivé par des objectifs cachés d'extermination des Banyamulenge. Les rapports de KST et de la MONUSCO, en ne révélant pas ces objectifs, manquent de fournir une image complète et précise de la situation. En omettant de mettre en lumière ces objectifs cachés, les rapports actuels contribuent à perpétuer une situation d'injustice et de violence.

Pour réellement œuvrer pour la paix, il est nécessaire de reconnaître et de dénoncer ces injustices afin de mettre fin à la souffrance des Banyamulenge et de prévenir de futures atrocités.

La communauté internationale, y compris les organismes tels que la MONUSCO et KST, devraient reconnaître et corriger les biais dans leurs rapports. Une documentation précise et impartiale des événements est essentielle pour comprendre la véritable nature du conflit.

 

Le 08 aout 2024

Paul Kabudogo Rugaba

 

 

 

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